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Métailié

 

Les Éditions Métailié ont été fondées en 1979, avec un capital permettant de financer la fabrication de trois livres. Les dix premières années ont été pour Anne Marie Métailié, sa fondatrice, des années de formation sur le tas et de construction des structures d'un catalogue qui, d'abord orienté vers les sciences sociales avec les collections Traversées, dirigée par Pascal Dibie, et Leçons de Choses, dirigée par Michael Pollak et Luc Boltanski, s'est tourné progressivement vers la littérature étrangère avec pour commencer le Brésil, Machado de Assis et Carlos Drummond de Andrade, et le Portugal avec Antonio Lobo Antunes, José Saramago et Lídia Jorge.

Au terme de ces années d'apprentissage, l'entrée de la maison dans le système de diffusion du Seuil et la publication d'un inconnu dont le bouche à oreille fera un best-seller - Luis Sepúlveda, Le Vieux qui lisait des romans d'amour - créent les conditions d'une meilleure présence en librairie et une stabilisation de la maison qui lui permet de s'ouvrir à de nouvelles découvertes et de nouveaux paris.

 

L’accordeur de silences (Jerusalém), Mia Couto (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 30 Avril 2025. , dans Métailié, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman, En Vitrine, Cette semaine

L’accordeur de silences (Jerusalém), Mia Couto, Métailié Suites, 2013, trad. portugais (Mozambique), Elisabeth Monteiro Rodrigues, 236 pages, 10 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

Ce livre est d’abord le roman d’un lieu. D’un non-lieu plutôt, un trou hors du monde, un anti-espace suspendu nulle part. Jérusalem. Le nom dans son étymologie première : la Fondation. Ici, Dieu n’est pas le Grand Architecte, c’est Silvestre Vitalicio, c’est-à-dire, à peu près, la même chose. C’est le Jérusalem, dit Silvestre, où Jésus devrait se décrucifier. Et point final. Il a quitté le monde pour des raisons obscures, pour rejoindre l’autre côté dit-il, accompagné de ses fils, de son frère, d’un soldat, d’une ânesse nommée Jezibela. Plus qu’un désert, un rien, un manque, un tore dont les bords sont introuvables.

En écho, ces vers en épigraphe du premier chapitre.

J’écoute mais ne sais

Si ce que j’entends est silence

Ou Dieu (Sophia de Mello Breyner Andresen).

Les Ephémères (Mayflies), Andrew O’Hagan (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 19 Novembre 2024. , dans Métailié, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Les Ephémères (Mayflies), Andrew O’Hagan, Métailié, août 2024, trad. anglais (Ecosse), Céline Schawller, 288 pages, 21,50 € Edition: Métailié

 

Ce sont les années Thatcher qui constituent la toile de fond de ce roman. Andrew O’Hagan dépeint ces moments particulièrement durs pour la classe ouvrière qui, de grèves en difficultés pécuniaires, a connu des soumissions à l’ordre financier comme jamais. Le monde que l’auteur met en scène est celui des jeunes qui vivent un moment ingrat dont les perspectives relèvent du « no futur » que les punks éructèrent quelques années auparavant. C’est dire aussi que la musique est omniprésente, celle populaire, mais ô combien idoine pour cette époque.

C’est dans ce contexte des années 80 que l’auteur va faire naître et durer une amitié entre Tully Dawson et le narrateur. Tully Dawson est ce garçon fantasque d’une vingtaine d’années qui, en mal de repères familiaux, se tourne vers le cinéma, la musique, et le foot. Nous sommes en Écosse et la jeunesse se morfond dans le chômage et les difficultés qui vont avec, le fric, l’ennui au quotidien, l’alcool, la drogue, ce qui résonne comme une évidence mais ce qui, ici, est le socle d’une amitié qui va se sceller lors d’une virée à Manchester.

Désarrois (Verwirrnis), Christophe Hein (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 27 Juin 2024. , dans Métailié, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman

Désarrois (Verwirrnis), Christophe Hein, éditions Métailié, avril 2024, trad. allemand, Nicole Bary, 240 pages, 20 € Edition: Métailié

 

Le châtiment

Désarrois, le livre de Christophe Hein (né en 1944 à Heinzendorf, dramaturge, romancier, essayiste et traducteur Est-allemand) se réfère sans doute au célèbre ouvrage, Les Désarrois de l’élève Törless de Robert Musil. Christoph Hein a grandi à Bad Düben, une petite ville au nord de la Saxe, non loin de Leipzig. Son père, pasteur, n’étant pas considéré par les autorités de la RDA comme un travailleur, il ne lui était pas permis de fréquenter le lycée. Christophe Hein passera son baccalauréat en 1964, et ne pourra étudier à l’université qu’à partir de 1967, tout en occupant divers emplois. Il est en 1990 Membre de l’Académie des arts de Berlin et de l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne en 1994.

La première femme, Jennifer Nansubuga Makumbi (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 06 Juin 2024. , dans Métailié, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman

La première femme, Jennifer Nansubuga Makumbi, éd. Métailié, mars 2024, trad. anglais (Ouganda) Céline Schwaller, 544 pages, 23 € Edition: Métailié

« L’ethnobiographie constitue, à partir de l’informateur, une méthode de maïeutique sociale qui permet au sujet de se retrouver lui-même et qui lui donne la possibilité de porter témoignage sur son groupe, sa société, sa culture »

Jean Poirier et coll., 1983

La première femme est le deuxième roman de Jennifer Nansubuga Makumbi (écrivaine ougandaise née à Kampala, diplômée d’un Doctorat en création littéraire de l’Université de Lancaster, récompensée en 2018 du Prix de Littérature Windham-Campbell). Et c’est par la voix de la jeune Kirabo Nnamiiro que va se dérouler le continuum de la saga d’une vaste famille ougandaise, partagée entre croyances animistes et monothéismes. Le contexte est celui du post-colonialisme, sous l’ère dictatoriale et sanguinaire d’Idi Amin Dada (1925-2003). Jennifer Nansubuga Makumbi réveille les grands mythes de l’Afrique de l’Est, notamment ceux de l’Ouganda, indépendant en 1962, pays membre de l’Organisation de la coopération islamique.

Datas sanglantes, Jakub Szamalek (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 20 Décembre 2023. , dans Métailié, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Pays de l'Est

Datas sanglantes, Jakub Szamalek, Métailié Noir, octobre 2023, trad. polonais, Kamil Barbarski, 447 pages, 22,50 € Edition: Métailié

Un a priori tenace persiste qui fait du « polar », du « thriller », un sous-genre seulement capable d’un plus ou moins bon divertissement. Le polar divertit, c’est entendu, mais il ne s’en tient pas à cette seule contrainte : il ne fait pas l’économie des contextes dans lesquels il se situe, il doit aussi prendre en compte les aspects sociétaux, politiques ou encore technologiques qui font nos sociétés. Et c’est bien ce que propose Jakub Szamalek dans ce deuxième volet de la Trilogie du darknet. Il ne s’agit pas là d’une intrigue strictement policière, comme on peut en lire, mais d’une enquête, voire de plusieurs enquêtes menées par plusieurs protagonistes qui n’ont de prime abord rien en commun, sinon qu’ils utiliseront, chacun à sa manière, les ressources du web.

« Hanna parcourut la liste des utilisateurs du chat. Certains pseudos lui étaient familiers. Realgood-53 était son spectateur le plus fidèle, c’était un ouvrier retraité de l’industrie chimique de Colombus, dans l’Ohio. Il aimait quand elle mettait un serre-tête avec des oreilles de chat et lapait du lait dans une coupelle. C’était un type très sympathique – il y a quelques mois, elle lui avait même accordé des droits de modérateur. Bob-the-boulder, c’était un Anglais de Bath qui travaillait dans l’IT ou la finance, elle ne savait plus. Une fois, il lui avait donné dix mille jetons pour qu’elle fasse semblant d’avoir une crise d’épilepsie ».