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Métailié

 

Les Éditions Métailié ont été fondées en 1979, avec un capital permettant de financer la fabrication de trois livres. Les dix premières années ont été pour Anne Marie Métailié, sa fondatrice, des années de formation sur le tas et de construction des structures d'un catalogue qui, d'abord orienté vers les sciences sociales avec les collections Traversées, dirigée par Pascal Dibie, et Leçons de Choses, dirigée par Michael Pollak et Luc Boltanski, s'est tourné progressivement vers la littérature étrangère avec pour commencer le Brésil, Machado de Assis et Carlos Drummond de Andrade, et le Portugal avec Antonio Lobo Antunes, José Saramago et Lídia Jorge.

Au terme de ces années d'apprentissage, l'entrée de la maison dans le système de diffusion du Seuil et la publication d'un inconnu dont le bouche à oreille fera un best-seller - Luis Sepúlveda, Le Vieux qui lisait des romans d'amour - créent les conditions d'une meilleure présence en librairie et une stabilisation de la maison qui lui permet de s'ouvrir à de nouvelles découvertes et de nouveaux paris.

 

Le Bruit du dégel, John Burnside (seconde critique)

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 30 Août 2018. , dans Métailié, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire

Le Bruit du dégel, août 2018, trad. anglais (Écosse) Catherine Richard-Mas, 362 pages, 22 € . Ecrivain(s): John Burnside Edition: Métailié

 

DansLe Bruit du dégel, la patte, ou plutôt la texture de l’auteur de L’Eté des noyés se confirme. Cette même lumière intérieure, une sorte de douceur un peu étrange qui baigne le roman, qui en floute les contours, adoucit les angles, même les plus tranchants. On pourrait penser que John Burnside peint ses romans plus encore qu’il ne les écrit et ce n’est sans doute pas un hasard si l’art tient une grande place dans son écriture. Mais, si la peinture était omniprésente dans L’Eté des noyés, ici ce sont surtout le cinéma, la musique : images, ambiances, atmosphères… Les sens du lecteur sont extrêmement sollicités, y compris celui du goût, et nous lisons le roman comme nous regarderions des morceaux de films, où les personnages s’appréhendent peu à peu dans leur complexité, leur solitude, leur histoire particulière, souvent dramatique. Et justement, dans Le Bruit du dégel, c’est de cela qu’il est question : d’histoires, des morceaux de vie racontés par Jean, une vieille dame qui vit en lisière d’une forêt, qui coupe son bois, fait des beignets aux pommes et concocte des tisanes et adore aller boire un café accompagné d’une délicieuse pâtisserie, au Territoire sacré.

Le bruit du dégel, John Burnside

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 24 Août 2018. , dans Métailié, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire

Le bruit du dégel, août 2018, trad. anglais Catherine Richard-Mas, 362 pages, 22 € . Ecrivain(s): John Burnside Edition: Métailié

 

Burnside continue son exploration des recoins de l’âme. Dans un récit qui n’en est pas vraiment un, mais plutôt un enchâssement de récits multiples recueillis par la narratrice auprès de personnes choisies au hasard, dans le cadre d’une mission que lui a confiée son compagnon cinéaste : poser des questions aux gens, faire du porte-à-porte, afin d’entendre les histoires de chacun(e). Et Kate va ainsi rencontrer Jean, une femme vieillissante, avec laquelle elle va se lier et qui va lui raconter, bribe par bribe, son vécu. Son vécu ? Là est toute la matière de ce roman : pas tout à fait ; un vécu, passé au crible de la narration, devient autre chose, une histoire.

Laurits, le compagnon cinéaste de Kate, est fasciné par la narration et peu importe en fin de compte son contenu. La narration en tant que telle, véhicule d’une histoire, d’une médiation par le narrateur, d’un réel intime qui souvent s’éloigne, involontairement, du réel vécu. Il est convaincu que les lieux, le moment, les circonstances où se tient une narration sont plus importants que ce que raconte cette narration. L’Amérique n’a pas d’Histoire mais pullule d’histoires.

Passage des ombres, Arnaldur Indriðason

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 22 Août 2018. , dans Métailié, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman

Passage des ombres, mai 2018, trad. islandais Eric Boury, 304 pages, 21 € . Ecrivain(s): Arnaldur Indridason Edition: Métailié

 

Auteur islandais, Arnaldur Indriðason appartient à la génération des auteurs à succès de romans noirs « nordiques », qui ont pris il y a maintenant plusieurs décennies la relève des romanciers anglo-saxons, jusque-là maîtres incontestés du genre : Stieg Larsson, Henning Mankell, Liza Marklund, Åke Edwardson, Johan Theorin (suédois), Jo Nesbo (norvégien), Jussi Adler-Olsen (danois), concurrencent aujourd’hui l’Américain Harlan Coben, pour ne citer que celui-ci. Les intrigues de ces « nouveaux » polars innovent avec des décors venus du froid et une réserve manifestée par les enquêteurs scandinaves et nordiques, dont est proche – souvent – Fred Vargas.

A l’heure où le roman policier profite des effets de la mondialisation (en explorant la Chine ou l’Amérique du Sud, par exemple), la toponymie du roman d’Indriðason demeure exclusivement islandaise, cantonnée à la ville de Reykjavik et à une région du Nord du pays où une petite part de l’intrigue prend place : rue Frikirkjuvegur, où se trouve la Criminelle, Skuggahverfi, le quartier des Ombres, les rues Hverfisgata et Lindargata, près du Théâtre national. La couleur locale est ainsi préservée.

La Pension Eva, Andrea Camilleri

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 27 Juin 2018. , dans Métailié, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Italie

La Pension Eva, mai 2018, trad. italien Serge Quadruppani, 144 pages, 9 € . Ecrivain(s): Andréa Camilleri Edition: Métailié

 

Pour ses quatre-vingts ans, le romancier sicilien d’Agrigente s’inventa une enfance en plein conflit mondial. Le livre paru en français en 2007 est réédité pour notre plus grand bonheur. Ici s’allient humour, truculence, joie de raconter, découvertes propres à l’adolescence, éveil à la sensualité, à la sexualité…

Nené – double sans doute du romancier – et ses copains Ciccio et Jacolino, pour qui la maison de passe « Pension Eva » devient un terrain de jeu, traversent cette période troublée – on gagne souvent les abris – à l’ombre des jeunes femmes et filles en fleurs. La Pension change de filles comme de chemises : tous les quinze jours, dans les belles semaines et beaux jours, une nouvelle « fournée » et ça fait le bonheur des locaux, des militaires, des jeunes oisifs, vitelloni siciliens, futurs étudiants palermitains.

Noli me tangere, Andrea Camilleri

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans Métailié, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Italie

Noli me tangere, mai 2018, trad. italien Serge Quadruppani, 144 pages, 16 € . Ecrivain(s): Andréa Camilleri Edition: Métailié

 

Comment un roman a priori policier peut révéler des fulgurances métaphysiques ?

« Noli me tangere » (Ne me touche pas… ou… Ne me retiens pas) est une locution latine tirée de la vulgate, version latine de la Bible. Elle fait référence à l’épisode pascal de la résurrection lorsque Marie-Madeleine découvre le tombeau vide et un étrange personnage qui s’avère être le Christ. L’expression traduit la parole de Jésus envers Marie-Madeleine. Comment faut-il l’entendre, si l’on veut faire une brève exégèse et sans vouloir offenser les interprètes accrédités ?

Ce « Ne me touche pas » dit : je suis autre, j’ai changé, je ne relève plus des lois physiques de l’humanité. C’est un corps glorieux que Marie-Madeleine ne doit pas retenir, un corps de l’entre-deux, entre la résurrection et l’apothéose, entre outre-tombe et ascension. La formule latine instaure donc une distance entre l’invisible et le visible. Cet épisode a inspiré de nombreux peintres qui ont cherché à saisir ce moment sacré, ainsi Giotto, Fra Angelico, Bronzino, Le Titien, Nicolas Poussin… (pour n’en citer que quelques-uns). Il a inspiré également des théoriciens comme Jean-Luc Nancy et des écrivains. Parmi eux, Andrea Camilleri dans un livre, justement intitulé Noli me tangere.