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Editions José Corti

 

José Corti (J. Corticchiato, 1895-1984), d’origine corse, a ouvert dès 1925 une librairie au 6, rue de Clichy à Paris. Il a commencé à éditer la plupart des auteurs surréalistes, ses amis : Breton, Éluard, Aragon, Char, Péret, Crevel, Dali. Il se fixe ensuite 11, rue Médicis où les éditions ont toujours leur siège. En 1938, il fait la connaissance de Julien Gracq qui, tout au long de sa vie n’aura pas d’autre éditeur (hormis La Pléiade). Pendant la seconde guerre mondiale, il édite des textes clandestins de résistants. Son fils est arrêté et meurt en déportation. Après la guerre, il publiera beaucoup de textes poétiques, parmi les plus hardis, des recherches critiques écrites par des universitaires novateurs (Georges Blin, Jean Rousset, Charles Mauron, Gilbert Durand) et rééditera des classiques méconnus du romantisme européen (Beckford, Blake, de Maistre, WalpoleRadcliffe).

Bertrand Fillaudeau, qui a travaillé avec José Corti de 1980 à 1984, a été chargé de prendre la suite. Tout en conservant l’esprit de la maison, il a élargi le catalogue à deux nouvelles collections : " Ibériques " – 1988 – où le Portugal de Torga, le Mexique de Cernuda, l’Argentine de Fernándezcotoient les lumières de Jean de la Croix et l’écriture joycienne de Ríos etc., et " En lisant en écrivant " – 1989 – où poètes, romanciers ou essayistes de toutes latitudes partagent avec leurs lecteurs les relations passionnelles qu’ils ont eux-mêmes entretenues avec la lecture et l’écriture. Il a accueilli de nouveaux auteurs français – Christian Hubin, Éric Faye, Georges Picard, Claude Louis-Combet, Ghérasim Luca, Pierre Chappuis, Jacques Gelat, Marius Daniel Popescu, etc. – et étrangers – AndreïevHesseJahnnDickinsonSzentkuthy, etc. – venus rejoindre Julien GracqFourestHedayat, etc.

 


Tainaron, Leena Krohn (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 23 Avril 2021. , dans Editions José Corti, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman

Tainaron, Leena Krohn, trad. finnois, Pierre-Alain Gendre, 192 pages, 19 € Edition: Editions José Corti

 

Dans sa simple prononciation, le titre Tainaron est empreint de sévérité et d’étrangeté. Il nous rappelle aussi qu’il peut désigner une ville figurant dans la mythologie grecque, ville auprès de laquelle une caverne était considérée comme une entrée des Enfers (ce qu’on situe aujourd’hui au cap Ténare).

Dans ce roman, la narratrice, exilée dans la ville imaginaire de Tainaron, écrit des lettres à un ancien amoureux, qui restent sans réponse. Elle y décrit son quotidien, au sein d’un monde habité par ce qui ressemble à des insectes anthropomorphisés : elle y est guidée par un Capricorne, plus professeur qu’ami. Les liens qu’elle tente de créer avec son nouvel entourage sont insatisfaisants, voire périlleux. Et quand une coutume ou un événement la rend perplexe, désirant mieux le comprendre, elle s’en sort avec des explications qui accentuent son étonnement quand elles ne l’effrayent pas. Le séjour oscille constamment entre terreur, comique et émerveillement, tel l’exemple des plantes gigantesques présentes dans le jardin botanique, dont certaines gobent sans scrupule les visiteurs.

Nœuds de vie, Julien Gracq (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 31 Mars 2021. , dans Editions José Corti, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Récits

Nœuds de vie, janvier 2021, 164 pages, 18 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

Chemins et rues, Instants, Lire, Ecrire… Titres des quatre chapitres… La marche, promenade avec ou sans but, l’arrêt sur image qui rejoint le changement de perspective, la lecture et l’écriture qui s’en nourrissent et s’en abreuvent, sont quatre des chemins ouverts,  dénoués, renoués dans la pensée de Julien Gracq qui jamais ne se fige, mais s’ouvre sur un ailleurs attendu : « Si les changements à vue souverains de l’enfance devenaient notre sésame dans un monde qui s’ouvrirait une bonne fois sans y mettre pour condition de se fermer – d’une toute autre manière que la tranchée symbolique de la mer Rouge » (p.60).

Les routes rêvent de ne plus aller quelque part, la promenade se dénoue sur les chemins, comme une chevelure. Le basculement et l’aguet qui ne se disent pas, se font entre ce qu’on voit, et ce qui est donné à voir : « Dans le plaisir que j’ai éprouvé (…) lorsque par une porte clandestine, par un passage caché, un lieu attirant et familier débouche soudain pour nous sur un autre, insoupçonné, et plus attirant encore » (p.21), cette impression, cette sensation plus précisément d’un appel imminent, d’une promesse bientôt révélée.

Dans le confessionnal, et autres nouvelles, Amelia B. Edwards (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 26 Août 2020. , dans Editions José Corti, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Nouvelles

Dans le confessionnal, et autres nouvelles, Amelia B. Edwards, trad. Jacques Finné, 248 pages, 18,25 € Edition: Editions José Corti

 

Si la littérature, comme d’autres domaines, est un champ infini, c’est en partie parce qu’elle nous conduit à porter notre regard vers des écrivain(e)s un peu vite oublié(e)s.

Amelia B. Edwards en sait quelque chose : Jacques Finné s’est intéressé de près à la vie et à l’œuvre de cette romancière et nouvelliste britannique, qui fut également égyptologue. En vérité, Amelia B. Edwards était plus que cela : journaliste, musicienne (elle eut le bonheur d’être soliste en tant que chanteuse lyrique), elle fut par ailleurs une conférencière très appréciée à la fin de sa vie, sillonnant l’Amérique et l’Angleterre.

Dans le recueil Dans le confessionnal et autres nouvelles, ce sont sept récits fantastiques qui nous retiennent, sept récits habités par des fantômes qui ne se révèlent pas aussi effrayants qu’on pourrait l’attendre. Sept nouvelles qui n’apporteront pas de surprise supplémentaire aux amateurs du genre fantastique à l’époque victorienne.

L’Etreinte de glace, anthologie de Jacques Finné (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 24 Juin 2020. , dans Editions José Corti, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

L’Etreinte de glace, anthologie de Jacques Finné, février 2019, trad. Jacques Finné, Jessica Stabile, 296 pages, 23 € Edition: Editions José Corti

 

 

Le titre L’Etreinte de glace donne une idée du charme de ces nouvelles surnaturelles, issues de l’ère victorienne, un charme qui vous happe à la gorge et ne vous lâche pas. Froid comme la mort, fascinant comme l’inexplicable : voilà en partie des ingrédients qui unissent les huit nouvelles sélectionnées et traduites ici par Jacques Finné (accompagné de Jessica Stabile). Mais il est une caractéristique plus notable encore dans cette anthologie : toutes ces nouvelles ont été écrites par des femmes. Gageons qu’à l’issue de la lecture, nous ne pouvons qu’être d’accord avec Jacques Finné lui-même : ces huit femmes n’ont rien à envier à leurs compères masculins dans le genre de la ‘ghost story’. Elles sont même si douées qu’on est en droit de se demander pourquoi la postérité ne leur a pas fait un meilleur cadeau (jusqu’à maintenant).

Archéophonies, Peter Gizzi (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Jeudi, 13 Juin 2019. , dans Editions José Corti, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Poésie

Archéophonies, mars 2019, trad. Stéphane Bouquet, 80 pages, 16 € . Ecrivain(s): Peter Gizzi Edition: Editions José Corti

 

« Archéophonies », comme un retour au pays des voix anciennes, des voix lointaines. Nous y sommes conduits par l’appel de « la vieille langue, / équipée de lances et de jambières / de boucliers brisés / et de voyelles martelées ; / un escalier montant / vers un miroir – regardez-la / gravir la vieille spirale, / sous les balafres écaillées / d’un ciel septentrional, / une rotonde bleue » [p.15]. « Je rends juste visite à cette voix » [p.11], nous dit le poète.

Là où se trouve la richesse poétique et langagière de Peter Gizzi, c’est que même si nous pouvons en avoir eu l’image à un moment précis, en aucun cas nous ne nous voyons remonter dans les étages austères d’un château moyenâgeux de la langue. Certes, la nostalgie conduit le poète en certains instants, mais il s’agit de la nostalgie de son propre passé, comme peuvent l’illustrer Bout d’emballage ou Instrument à vent.