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La Table Ronde

Maison fondée en 1944 par Roland Laudenbach et ainsi nommée par Jean Cocteau.

 


Bon vivant !, Abbott Joseph Liebling

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 14 Décembre 2017. , dans La Table Ronde, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Biographie, Récits

Bon vivant !, octobre 2017, trad. anglais (USA) Jean-Christophe Napias, 248 pages, 17,40 € . Ecrivain(s): Abbott Joseph Liebling Edition: La Table Ronde

 

Les photographies d’Abbott Joseph Liebling disponibles sur le réseau Internet montrent un homme à la silhouette agréablement sphérique, obtenue, travaillée – on le devine – à grands coups de fourchette (car une silhouette de gourmand se travaille, comme une silhouette de culturiste, seul le résultat est différent). Ce journaliste du New Yorker, mort en 1963 (à l’âge de cinquante-neuf ans) est inconnu en France, pays qu’il aimait d’un amour quasi-religieux, comme l’aiment en général les Américains gourmands et cultivés (pas les idiots qui en période de froid diplomatique versent à l’égout le vin français qu’ils ont au préalable acheté). Liebling y séjourna souvent, entre les années 20 et le début de la décennie 1960, désireux – on le comprend assez bien – d’échapper à tout ce que son grand pays possédait d’horripilant. En 1926-1927, il avait obtenu de son père les subsides nécessaires pour une année d’études à la Sorbonne. Liebling ne se distingua point par sa fréquentation assidue de l’alma mater et passa beaucoup de temps dans les restaurants (savait-il seulement faire la cuisine ?).

Monarques, Philippe Rahmy

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 07 Septembre 2017. , dans La Table Ronde, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire

Monarques, août 2017, 208 pages, 17 € . Ecrivain(s): Philippe Rahmy Edition: La Table Ronde

 

Tissant plusieurs histoires réelles, celle de l’assassin d’un diplomate allemand en 1938, la sienne, celle de ses parents, Philippe Rahmy propose, après les excellents Mouvement par la fin (Cheyne, 2005) et Allegra (La Table Ronde, 2016), un livre inclassable, qui joue autant de la force de la réalité que de celle de l’écriture rassembleuse qui permet de confronter diverses époques (les années 10, les années 30, les années 80 et les années 2014-2016) pour en tirer une sorte de généalogie multiple des siens et des autres, et une lecture neuve des relations entre Juifs, Arabes, Allemands, Français. De qui procède-t-on ? Quel est l’impact du passé de nos proches et d’étrangers, parfois bien similaire ? Et pourquoi, surtout, l’écrire ?

Monarques, titre étrange, qui s’éclairera au chapitre 3, semble, au-delà de l’anecdote animale, plaider pour le thème du voyage qui innerve tout l’ouvrage. De fait, Monarques nous fait beaucoup voyager : de Berlin à l’Egypte, en passant par Paris, l’Amérique, Tel-Aviv, sans oublier la région natale de notre auteur, en Suisse.

Ni bruit ni fureur, Lucien Suel

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 03 Mai 2017. , dans La Table Ronde, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Ni bruit ni fureur, mars 2017, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Lucien Suel Edition: La Table Ronde

 

Pas de bruit ni de fureur mais beaucoup d’empathie pour les mondes enfouis, l’enfance, la Mer du nord, les filles du Nord, les jardins. Les disparus, à la pelle, reçoivent force hommages et mercis.

La langue de Suel offre une diversité stylistique qui donne à ses poèmes marque et personnalité. Ce sont tantôt de très longs poèmes debout, serrés ; ce sont des proses en « semailles » et « narcisses », des « tombeaux » à l’adresse de plusieurs Christophe (Tarkos, Wattel) comme des inventaires prévertiens ; ce sont des inventives litanies poétiques où il se définit « dans la cathédrale de mes os ». Cette langue, prompte à convier des mots rares, des images elliptiques, des descriptions entomologiques et botaniques, renoue avec l’enfance des sensations : « la brouette du maçon », « l’évier blanc émaillé », « la fille du jardinier (qui) récolte les haricots de l’été », les mots picards (muchelot muché), les noms du nord (Wittebecque), les os de Rachel et de tant d’autres.

Du couvent au bordel, Mots du joli monde, Claudine Brécourt-Villars

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 31 Mars 2017. , dans La Table Ronde, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie

Du couvent au bordel, Mots du joli monde, janvier 2017, 288 pages, 22 € . Ecrivain(s): Claudine Brécourt-Villars Edition: La Table Ronde

 

Feuilleter le glossaire de Claudine Brécourt-Villars, c’est effeuiller les pages de plus de six siècles de littérature à la recherche des termes qui ont décrit le monde des prostituées et de la pègre, c’est découvrir ou redécouvrir des pans entiers de romans, chansons, poèmes, lettres, qui peu à peu ont fait entrer ce vocabulaire pittoresque dans le langage courant à moins qu’il ne soit resté caché, telle une friandise, dans des textes d’auteurs parfois oubliés. Des mots également ignorés de bon nombre de dictionnaires dits spécialisés qui retrouvent ici une seconde jeunesse.

Ce livre, haut en couleur, est un petit bijou tant par sa présentation originale et précieuse que par le soin pris par Claudine Brécourt-Villars à illustrer chaque entrée – on en dénombre 204 – de longues citations d’environ 245 auteurs.

L’ouvrage invite le lecteur à un voyage en terres de filles de joie tout autant qu’à une immersion en une littérature qui a priori n’a rien de polissonne. On y côtoiera en effet, au gré des paragraphes entiers retranscrits dans les pages, aussi bien Montaigne, Gérard de Nerval, Louis-Ferdinand Céline, Jean-Paul Sartre, Marcel Proust, Verlaine, Zola que Régine Deforges, George Sand, Colette, Françoise Mallet-Joris ou Virginie Despentes, pour ne citer que ceux-ci.

La poule pond suivi de Sonica mon lapin, Michel Ohl

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 24 Mars 2017. , dans La Table Ronde, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

La poule pond suivi de Sonica mon lapin, mars 2017, 128 pages, 15 € . Ecrivain(s): Michel Ohl Edition: La Table Ronde

 

Créateur des éditions Schéol, adorateur de la littérature russe, ami de Rigaud, Cravan, Artaud, Crevel, proche par l’esprit de Gogol, Jarry, Allais, Queneau, Verheggen, Fénéon, et autres irréguliers de la langue, Michel Ohl a poursuivi librement ses pérégrinations terrestres, jouissives, jusqu’à sa mort en 2014. Sont réunis pour La Table Ronde son livre le plus ancien Sonica mon Lapin et un des plus récents La poule pond : de quoi montrer comment sa littérature terre une perverse patate chaude, et passé dans les mains de ce jardinier exigeant qui fait sa pluie et son beau temps selon une écriture et une ivresse exacerbées, toujours prêt à faire feu de tout bois même celle d’une jambe de même tabac.

La communion cérébrale de chaque livre propage une commotion cervicale. Les mots de lune sortent de leurs gonds si bien que le discours mycose toujours là où les images sont atteintes de mildiou. Par substrats et rempotages, la sémiologie en prend pour son grade en passant sous les fourches caudines ou le moulin à rire du créateur. L’auteur pousse les jeunes comme les grands-mères dans les buissons et orties du sens pour les fourrer selon ses mains courantes dans la vie souterraine que continua le jardinier devenu pote âgé.