Identification

Mercure de France

Le Mercure de France est à l'origine une revue française, fondée au xviie siècle sous le nom de Mercure Galant, et qui évoluera en plusieurs étapes, à travers divers rebondissements, pour devenir une maison d'édition au xxe siècle. (Groupe Gallimard)

La mémoire délavée, Nathacha Appanah (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 02 Juillet 2025. , dans Mercure de France, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La mémoire délavée, Nathacha Appanah, Mercure de France, collection Folio, 6 février 2025, 150 pages, 7,60 € . Ecrivain(s): Nathacha Appanah Edition: Mercure de France

 

La République de Maurice se qualifie de « nation arc-en-ciel » en référence à la pluralité, à la diversité des composantes de sa population, officiellement classée en quatre catégories de citoyens : les Sino-Mauriciens, les Musulmans, la Population Générale (dont les Cafres descendants des esclaves africains et les Franco-Mauriciens issus des colons), et les Indo-Mauriciens, catégorie à laquelle appartient Nathacha Appanah, journaliste et  romancière bien installée dans le paysage littéraire francophone.

C’est à l’occasion de l’observation des complexes, inextricables, inexplicables circonvolutions du vol migratoire d’une nuée d’étourneaux que l’autrice est saisie par la résurgence de la blessure plus ou moins refoulée, néanmoins toujours latente, de l’angoissante présence de larges zones d’ombre contrastant avec des bribes ténues, fragiles, de rares faits connus dans la chaîne nébuleuse de la migration familiale dont elle constitue l’un des maillons actuels.

Mercurio, Philippe Mezescaze (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 14 Mai 2025. , dans Mercure de France, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman

Mercurio, Philippe Mezescaze, Mercure de France, avril 2025, 192 pages, 19 €

 

Mercurio, le personnage éponyme du dernier roman de Philippe Mezescaze, c’est Monsieur de Bougrelon. Je m’explique : dans le roman de Jean Lorrain publié en 1897 et chroniqué dans cette revue en octobre 2024, nous sommes à Amsterdam à une date indéterminée, une Amsterdam hivernale, puritaine et dévergondée à la fois. Le narrateur anonyme et son ami y font la connaissance d’un singulier compatriote, de souche normande comme eux, qui semble avoir pour préoccupation première, à travers ses discours et sa gestuelle, et en dépit de son allure décatie, d’imposer de soi et de son passé, de ses conquêtes, de sa relation de jadis avec Monsieur de Mortimer, son double embelli, une image fastueuse. Des doutes naissent sur la véracité des propos du « vieux fantoche », que l’épilogue confirmera : Monsieur de Bougrelon subsiste péniblement en tenant un humble rôle de violoniste dans un cabaret minable.

Un adolescent amoureux, Robin Josserand (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 30 Avril 2025. , dans Mercure de France, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Un adolescent amoureux, Robin Josserand, Mercure de France, mai 2024, 151 pages, 17 € Edition: Mercure de France

Robin Josserand a fait des débuts remarqués (et remarquables) en littérature avec la publication, en 2023, et déjà au Mercure de France, de son premier roman, Prélude à son absence, chroniqué ici-même. Son deuxième livre, Un adolescent amoureux, séduira les lecteurs qui avaient apprécié le précédent. Quant à ceux qui étaient restés un peu sur leur faim, ils seront, je l’espère, davantage conquis.

L’ouverture, bovaryenne, subvertit le schéma flaubertien. Je veux dire que le Narrateur raconte l’entrée dans sa classe (de terminale en l’occurrence) d’un nouvel élève : « Lors du premier cours, le garçon arrive en retard et s’installe au dernier rang en faisant crisser sa chaise sur le carrelage ». Mais pas de « Proviseur » devant qui chacun se lève dans ce récit dont l’action se situe, suppose-t-on, dans la première décennie du vingt et unième siècle. Pas d’« habit-veste de drap vert à boutons noirs » mais « une chemise à carreaux rouges déchirée au niveau du coude ». Et nulle gêne du jeune homme face à son professeur et ses camarades ni de fous rires à l’écoute de son nom (« Charbovari ! Charbovari ! ») puisqu’on apprend, une dizaine de lignes plus loin (nous sommes toujours dans le paragraphe introductif, p.13), qu’il « se roule une cigarette à la vue de tous ».

Métamorphoses, migration, Adonis (par Nicolas Grenier)

Ecrit par Nicolas Grenier , le Mardi, 21 Janvier 2025. , dans Mercure de France, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Métamorphoses, migration, Adonis, Mercure de France, octobre 2024, trad. arabe, Aymen Hacen, 176 pages, 20,50 € Edition: Mercure de France

 

Adonis, poète migrateur

Le poète syrien, Adonis, ouvre les portes de son royaume intérieur à l’Européen, à travers son Orient natal, ses traditions, ses mythes, ses légendes. Le recueil de poésie Le livre des métamorphoses et de la migration dans les contrées du jour et de la nuit, écrit entre 1961 et 1965, se découpe en quatre mouvements, à l’image de quatre points cardinaux, de la Fleur de l’alchimie aux Métamorphoses de l’amoureux. Dans ce voyage initiatique, chaque poème, en vers libre ou en prose, s’apparente à une escale :

 

Je devrais voyager dans le paradis des cendres

Parmi ses arbres secrets

Dans les cendres, les mythes, les diamants et la toison d’or

Prélude à son absence, Robin Josserand (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 12 Janvier 2024. , dans Mercure de France, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Prélude à son absence, Robin Josserand, Mercure de France, août 2023, 167 pages, 17,50 € Edition: Mercure de France

 

« Voyeur, voyeuse : personne qui aime observer les choses, les gens ; personne qui se plaît à découvrir des choses cachées » ; « voyeurisme : comportement dans lequel se complaît le voyeur ».

Le narrateur de Prélude à son absence, premier roman de Robin Josserand, a trente ans. Il travaille comme bibliothécaire à Lyon et est (ou se prétend) écrivain. Il aperçoit un jour, assis près d’une pharmacie, un garçon d’une vingtaine d’années qui fait la manche. Il s’éprend de lui, lui paye l’hôtel, l’héberge, le finance, l’emmène en vacances à l’île de Groix, n’obtenant, en échange de son assiduité et de sa sollicitude, que de vagues étreintes et des demi-baisers monnayés.

Nous avons donc ici le récit d’une fascination – pour le corps du garçon, prénommé Sven avec opportunité, et aussi sans doute pour quelque chose de plus flou, de plus lointain, de moins défini, comme si le consentement de Sven, retardé et illusoire, devait annuler pour le narrateur, en les transfigurant, déceptions, manques, échecs antérieurs.