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Mercure de France

Le Mercure de France est à l'origine une revue française, fondée au xviie siècle sous le nom de Mercure Galant, et qui évoluera en plusieurs étapes, à travers divers rebondissements, pour devenir une maison d'édition au xxe siècle. (Groupe Gallimard)

Eloignez-vous de ma fenêtre, Vénus Khoury-Ghata (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 25 Juin 2021. , dans Mercure de France, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Eloignez-vous de ma fenêtre, Vénus Khoury-Ghata, juin 2021, 128 pages, 14,50 € Edition: Mercure de France

Modeste à se sentir « fissure pour engouffrer le peu », Vénus Khoury-Ghata, plume majeure de notre poésie et aussi romancière, vit de précipités minéraux à se poser la question de la solitude ou de l’écartement : « Eloignez-vous de ma fenêtre/ ne revenez qu’après la fermeture définitive de la planète/ quand mes os seront de pierre sèche/ mes gestes de vents retenus ». C’est que la présence des disparus peut être tenace : « il faut être très mort pour ne pas revenir ». Les dédicaces en disent long pour savoir qu’il ne s’agit pas d’un enfermement mais d’une sorte de pause d’incompréhension où les mots creusent le sol, les arbres, les passants interrogés, le lecteur sans doute également.

La vie semble étrangement se passer par contumace et très à l’étroit dans l’étriquement des mots resserrés comme autant d’interpellations à tenter l’impossible écoute : « Ecoute/ écoute le terreau au-dessus de ta tête/ suis les dédales de l’obscurité pour ne pas t’égarer ». La vie, bonne conseillère donc, essaie de trouver la faille à tenter l’impossible : « on vit de ce qui ne peut mourir dit la vieille qui plume la volaille/ sur le seuil de la cuisine/ et elle s’essuie le visage avec un pan de son tablier maculé de sang ». L’idée de l’auteur est scénique d’autant qu’elle manie une poésie à la limite de la prose.

Un oiseau de feu, Susan Sellers (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 25 Juin 2021. , dans Mercure de France, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Un oiseau de feu, Susan Sellers, Traduit de l’anglais par Constance Lacroix, mai 2021, 354 pages, 23,50 € Edition: Mercure de France

 

Nous avons tous entendu parler de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, écrite dans les années trente par John Meynard Keynes, professeur renommé et économiste de son état, auteur de la doctrine économique associée à son nom : le keynésianisme. Susan Sellers, dans une biographie romancée, évoque ce personnage sous un tout autre angle : celui de sa vie privée, de ses repères moraux, de sa conduite, de ses relations mondaines, littéraires avec le groupe de Bloomsbury, auquel appartenaient entre autres Virginia Woolf, Stephen Woolf, son époux, Lytton Strachey, écrivain, Bell Clive, critique d’art, ou encore Vanessa Bell, sœur de Virginia, peintre et décoratrice.

C’est à un duo que nous convie Susan Sellers, un rendez-vous culturel entre Keynes, un universitaire reconnu, embourgeoisé, issu de Cambridge, un pur produit de l’élite britannique ; et Lydia Lopokova, une danseuse russe, dont la formation et l’arrière-plan artistique sont forcément marqués par l’empreinte des Ballets russes, de Diaghilev, et de Nijinski. Cette artiste a rencontré Mikhaïl Fokine, célèbre danseur chorégraphe russe, Isadora Duncan, danseuse en rupture avec les canons de la danse classique.

Agent secret, Traits et Portraits, Philippe Sollers / Légende, Philippe Sollers (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 22 Avril 2021. , dans Mercure de France, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Gallimard

 

« Je suis très heureux d’être là, en cet instant précis, dans ce bureau, chez Gallimard, rue Gaston-Gallimard, livres, encore bleu, terrasse fleurie. Cette maison d’édition n’a pas d’équivalent au monde. Personne ne sait ce que je vais faire, je suis dans une liberté totale avec évidemment le fonds qui est là, qui bourdonne et continue à vivre, toutes ces voix splendides (Agent secret).

« Le classique est l’éternel retour, malgré la confusion la plus violente, de l’ordre, de la beauté, du luxe, du calme, de la volupté. L’enfer est moderne, le paradis est classique. Voilà la surprise de l’année 2020, c’est-à-dire, de l’An 132 dans l’ère du salut » (Légende).

Philippe Sollers possède l’art singulier du trait – un livre peut devenir une flèche –, et du portrait, cet art ancien où excellait Édouard Manet. Philippe Sollers se livre à l’autoportrait, celui d’un agent secret, autrement dit d’un écrivain en mouvement permanent, à la jeunesse bordelaise baignée de lumières, d’arbres, d’oiseaux, et de voix écrites. Si bien entendues, elles deviendront des vies divines : Ulysse, Nietzsche, Baudelaire, Watteau, Rimbaud, Cézanne, Proust, Poussin et Hölderlin, et n’en finissent pas de traverser les siècles.

Les jours voyous, Philippe Mezescaze (par Patryck Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 25 Février 2021. , dans Mercure de France, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les jours voyous, janvier 2021, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Philippe Mezescaze Edition: Mercure de France

 

On lit avec plaisir Les jours voyous, le dernier roman de Philippe Mezescaze (né en 1952), auteur singulier à l’œuvre autant discrète (dans sa résonance médiatique) qu’attachante. Le narrateur, âgé d’une vingtaine d’années, sort de prison, vers 1977. Les raisons de son incarcération à Nice ne se dévoileront que peu à peu. Rentré à Paris, il dort à droite ou à gauche, croise Téchiné dont il a vu Barocco, avant de prendre le train, et un photographe en vogue pour qui il posera, rencontre Barthes, qu’il trouble, cherche et séduit, entre le boulevard Saint-Germain et la rue Sainte-Anne, le Palace et le Continental, des garçons qui lui ressemblent ou ne lui ressemblent pas. L’un des charmes de ce récit est de revivifier une époque où paraît régner, à distance, une liberté érotique fabuleuse. La catastrophe du sida ne s’était pas abattue sur le monde, ni le régime des passions tristes n’avait encore triomphé. Tout n’est pas radieux dans l’existence des personnages créés par Mezescaze ; mais tout resplendit, quarante-trois ans plus tard, d’une beauté presque miraculeuse – comme est miraculeux un poème de Sandro Penna.

Le goût des amours à Paris, Collectif (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 13 Novembre 2020. , dans Mercure de France, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie

Le goût des amours à Paris, Collectif, septembre 2020, textes choisis et présentés par Brigit Bontour, 128 pages, 8,20 € Edition: Mercure de France

 

La productive petite Collection « Le Goût de… », dirigée par Isabelle Gallimard, s’est enrichie en septembre 2020 d’un nouvel opus, ensemble de textes collectés par Brigit Bontour sur la thématique des amours à Paris. Le recueil, riche et diversifié, est divisé en trois parties : tout d’abord les amours de légende, textes d’anthologie qui relèvent du patrimoine littéraire et mythique français, et dont certains couples sont emblématiques d’une forme d’amour héroïque souvent impossible. On pense à Héloïse et Abélard, à la princesse de Clèves et au duc de Nemours, à Cyrano et Roxane… Attire l’attention dans cette partie la ballade de François Villon, « Il n’est bon bec que de Paris », qui est un hymne à Paris et à ses femmes au langage populaire.

La deuxième partie traite des amours romanesques ou poétiques hors normes, qu’elles soient tarifées, artistes ou source d’émancipation, au XIXe et au XXe siècle : la Nana de Zola, Colette, Simone de Beauvoir, mais aussi Verlaine, Apollinaire ou Jean Genet y figurent.