Identification

Sabine Wespieser

Les Éditions Sabine Wespieser est une structure littéraire indépendante éditant des textes de fiction, française et étrangère


L’amour a le goût des fraises, Rosamund Haden

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mercredi, 19 Octobre 2016. , dans Sabine Wespieser, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman

L’amour a le goût des fraises, mai 2016, trad. anglais (Afrique du Sud) Diane Meur, 399 pages, 24 € . Ecrivain(s): Rosamund Haden Edition: Sabine Wespieser

 

La disposition des personnages dans L’amour a le goût des fraises fait penser (parallèle peu littéraire, concédons) au tirage au sort qui précède une compétition sportive. Deux têtes de série regroupent chacune autour d’elles plusieurs autres personnages secondaires : Françoise d’un côté et Stella de l’autre. Et, fédérant tout ce monde, l’artiste Ivor Woodall et son atelier où tous viennent pour une raison ou une autre.

Le récit s’ouvre et s’achève avec deux faire-part de décès à propos du même Ivor Woodall. Pour ainsi dire, il meurt une première fois subitement à l’âge de quarante-deux ans ; puis une seconde fois à soixante-trois ans, qui plus est en 2022. Le premier décès est le fait singulier et étrange du roman autour duquel s’organise une narration calme et minutieuse. Dans son atelier du Cap (Afrique du Sud) qui est aussi son domicile, Ivor donne des cours de dessin pour des jeunes et de moins jeunes amateurs. Françoise, la vingtaine, est un des modèles qu’Ivor engage pour ce faire. Françoise est une réfugiée rwandaise ayant pu fuir juste à temps le génocide qui a ravagé son pays en compagnie de sa petite sœur Doudou. Elle voudrait bien faire des études, mais il lui faut gagner de quoi vivre ou survivre comme caissière dans un supermarché et comme modèle donc malgré sa forte réticence à poser nue devant des inconnus.

Moze, Zahia Rahmani

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 29 Avril 2016. , dans Sabine Wespieser, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Moze, avril 2016, 190 pages, 9 € . Ecrivain(s): Zahia Rahmani Edition: Sabine Wespieser

 

Moze est le père de la narratrice. Moze est un harki.

La narratrice porte une marque, péjorative, qu’elle ressent comme lourdement infâmante : elle est « fille de harki ».

« Fille de harki »… Telle est son identité.

Moze s’est suicidé un 11 novembre, après être allé salué le monument aux morts du village de France où il s’est réfugié, où il s’est isolé avec sa famille.

L’ouvrage prend la forme, le plus souvent, d’un monologue intérieur intense, entrecoupé de dialogues, d’entretiens avec le père défunt, avec la mère, avec les membres d’une Commission nationale de réparation incapables de comprendre, et a fortiori de mesurer l’injustice historique subie par les harkis. Les éléments narratifs, l’histoire terrible de Moze, de ses frères, de sa famille, apparaît dans ces monologues et dialogues en pointillés, en fragments, en pièces d’un puzzle que le lecteur reconstitue au fil des pages.

L’Homme-tigre, Eka Kurniawan

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 06 Novembre 2015. , dans Sabine Wespieser, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman

L’Homme-tigre, septembre 2015, trad. de l’indonésien par Étienne Naveau, 246 pages, 21 € . Ecrivain(s): Eka Kurniawan Edition: Sabine Wespieser

 

Le lecteur, l’heureux lecteur (insistons !) de L’Homme-tigre apprend dès la toute première phrase du roman que Margio a assassiné Anwar Sadat. Il lira (une demi-douzaine de pages de description calme et méticuleuse) comment Margio a tué (est-ce le mot approprié ?) sa victime. A la fin de ce premier chapitre, Margio expliquera calmement aux policiers que ce n’est pas lui qui a commis cet acte mais un tigre qui est dans son corps. « Ce tigre était blanc comme un cygne, cruel comme un chien féroce ». Il faut reconnaître à Margio… comment dire ? la bonne foi d’avoir annoncé avant l’assassinat que le tigre en lui avait envie de commettre un meurtre. Ceux qui l’on entendu dire cela à plusieurs reprises, copains ou voisins, au pire ont pensé qu’il manifestait là une haine bien compréhensible contre son père, homme très violent dans son foyer. Mais ce père (Extraordinaire réussite d’un personnage ; sans doute le meilleur du roman de ce point de vue. Un concentré de souffrance et de cruauté. Une agonie humainement grandiose), ce père donc est mort récemment et enterré ; c’est d’ailleurs ce qui a fait réapparaître Margio qui avait disparu du village sans laisser d’adresse.

Une vie entière, Robert Seethaler

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 15 Octobre 2015. , dans Sabine Wespieser, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman

Une vie entière, octobre 2015, traduit de l’allemand (Autriche) par Élisabeth Landes, 157 pages, 18 € . Ecrivain(s): Robert Seethaler Edition: Sabine Wespieser

 

La vie peut-elle être désespérante ? Et dans ce cas, pourquoi s’accrocher à elle ? Ces questions trouvent des réponses dans le roman, saisissant, de Robert Seethaler, Une vie entière. Il s’agit de la vie d’Andreas Egger, jeune paysan né – peut-être ? – le 15 août 1898, dans un village des alpes autrichiennes. Il naît orphelin, battu par l’homme qui l’a recueilli chez lui, un certain Kranzstocker, au point de le rendre boiteux. Le roman débute par la découverte faite par Andreas Egger de Jean des Cornes. Ce dernier agonise sur sa paillasse, Andreas Egger le porte jusqu’au village sur un sentier de montagne long de plus de trois kilomètres. Premières souffrances, douleurs préliminaires de la vie.

Il tombe amoureux de Marie, jeune femme embauchée à la ferme où il travaille, parvient à la rejoindre clandestinement dans le village, mais ne parvient pas à entamer une relation pleine avec cette femme, ne peut lui exprimer son amour, faute de maîtrise suffisante du langage, et ne peut consommer cette relation jusqu’à son terme naturel…

Chemins, Michèle Lesbre

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 11 Mars 2015. , dans Sabine Wespieser, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Chemins, février 2015, 142 pages, 16 € . Ecrivain(s): Michèle Lesbre Edition: Sabine Wespieser

 

Un voyage dans le temps, un retour vers le passé, non pas un aller simple, tournant le dos à l’avenir, mais un aller-retour, une plongée au sens propre dans un passé lointain puisque ce billet de voyage s’écrit au fil de l’eau pour la narratrice – au fil d’un canal pour sa plus grande part –, sur une péniche.

Conviée à ouvrir la nouvelle maison de ses amis de toujours, et sur un signe : un passant lisant sous un réverbère le livre fétiche de son père – qu’elle a peu connu – la narratrice – l’auteur – décide de se mettre en quête de cet « intime étranger ». Ouverte à tout ce qui dans le paysage fait écho à son paysage intérieur, le fil du temps se confond avec le fil du voyage, au fil des rencontres, des haltes. Elle y croise des personnes imprévues et « enlève » même un chien qui vient spontanément à elle.

Sa première rencontre est une gardienne de vaches : « Nous sommes restées quelques instants silencieuses, puis elle m’a demandé si j’étais perdue et cela m’a fait rire, ce n’était pas complètement faux, j’étais un peu perdue, mais pas comme elle l’entendait, je l’étais dans les jours à venir, que j’avais du mal à mettre en perspective » (p.27).