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Les éditions de Minuit

Les Éditions de Minuit sont une maison d'édition française, fondée par Jean Bruller et Pierre de Lescure en 1941, pendant l'Occupation allemande de la France. En février 1942 est publié le premier ouvrage, Le Silence de la mer de Vercors (pseudonyme de Bruller).


Histoires de la nuit, Laurent Mauvignier (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Mars 2021. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Histoires de la nuit, septembre 2020, 640 pages, 24 € . Ecrivain(s): Laurent Mauvignier Edition: Les éditions de Minuit

 

L’auteur de Des hommes, et Dans la foule, né en 1967, pensionnaire à la Villa Médicis, a déjà derrière lui une œuvre singulière, reconnue. Son dernier livre, un roman, constitue un premier point d’aboutissement d’une littérature exigeante, à la prose lente, réfléchie, très descriptive.

L’histoire se déroule, en une seule journée, au centre de la France dans un bled, La Bassée. Y vivent les quatre personnages de l’intrigue : la peintre parisienne Christine venue là se réfugier ; un couple, Patrice et Marion, et leur petite fille de dix ans, Ida.

On prépare la fête des « quarante ans » de Marion. Tout le monde s’affaire : Patrice, parti en ville, chercher de quoi se sustenter ; Christine, de son côté, a prévu les gâteaux de la fête. Ida aidera les deux pour que tout soit réussi.

Banal, me direz-vous, sauf que l’intrusion d’individus louches dans le hameau enclenche chez le lecteur et les personnages une histoire « de nuit », vraiment infernale.

La soirée, bien préparée, avait ses horaires, ses surprises.

Éparses, Voyage dans les papiers du ghetto de Varsovie, Georges Didi-Huberman (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 23 Novembre 2020. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Éparses, Voyage dans les papiers du ghetto de Varsovie, février 2020, 170 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Georges Didi-Huberman Edition: Les éditions de Minuit

 

Si célèbre soit-il, le ghetto de Varsovie ne se visite pas, contrairement à d’autres, comme ceux de Venise ou de Prague. Avec le sérieux méthodique qui caractérise ce peuple, les Allemands l’ont entièrement détruit après l’insurrection d’avril 1943. Lorsque la capitale polonaise fut reconstruite après-guerre, on ne se soucia pas de l’ancien ghetto et seul un œil aiguisé peut en apercevoir le fantôme. En vérité, la mémoire du ghetto n’est pas inscrite dans la topographie de Varsovie. Elle se trouve à l’Institut historique juif de la ville, où sont conservés les documents patiemment réunis par l’historien du ghetto, Emanuel Ringelblum (1900-1944), puis enterrés dans des caisses de fer-blanc et de grands bidons de lait, et ainsi soustraits aux flots du temps. Ces quelque 35.000 pages reposaient dans leurs abris souterrains, tandis qu’à la surface les troupes du général SS Jürgen Stroop anéantissaient le ghetto et ceux qui y vivaient. Elles s’y trouvaient toujours lorsque, deux ans plus tard, Hitler, enfermé dans son bunker, mit fin à une existence trop longue. En 1946 et 1950, on découvrit ces deux ensembles de documents (un troisième demeure introuvable), dans un piteux état : les caisses en fer, qui n’étaient pas étanches, avaient été envahies par l’eau.

Au pays des poules aux œufs d’or, Eugène Savitzkaya (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Jeudi, 16 Avril 2020. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Au pays des poules aux œufs d’or, Eugène Savitzkaya, février 2020, 192 pages, 17 € Edition: Les éditions de Minuit

 

Plus qu’un roman, cet ouvrage peut être qualifié de long (et admirable) poème en prose. Le narrateur le dit aussi « conte » ou « fable » à plusieurs reprises, et il en possède en effet de nombreux aspects.

Sous ces diverses caractéristiques, il est tout aussi indéniable qu’on nous invite dès les premières lignes à une grande aventure, puisque nous assistons à la naissance (ou à la renaissance) d’une terre. Terre qui semble singulièrement proche de la nôtre, mais qui s’en distingue aussi par des traits très nets : comment admettre qu’une renarde et un héron soient devenus un couple, par exemple, et qu’ils aient le don de la parole, de surcroît ?

Nous l’avons dit, c’est une aventure : au sein du monde dont on nous parle, la temporalité est visiblement une donnée mineure. Seul compte le portrait d’une forme d’existence dans ce qu’elle a de plus léger et de plus innocent, de plus pourri et de plus envenimé. Qui dit aventure dit aussi quête et objectif : luisant comme un Saint-Graal indistinct, il nous faudrait enfin toucher ce « pays inaccessible » ; cependant, « aucune route ne menait au pays des poules aux œufs d’or » (p.26).

Eparses, Voyage dans les papiers du ghetto de Varsovie, Georges Didi-Huberman (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 01 Avril 2020. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Eparses, Voyage dans les papiers du ghetto de Varsovie, février 2020, 176 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Georges Didi-Huberman Edition: Les éditions de Minuit

L’image et la « pansée »

Afin de se soustraire à l’ambiguïté qui régit tout protocole de représentation qu’il soit iconique ou linguistique, Didi-Huberman, après avoir travaillé sur les seules photos existantes et les documents sur les fours crématoires (et la polémique que son livre suscita), trouve ici une autre tentative pour parvenir à dire, toucher et atteindre le cœur et la raison – l’inconscient aussi – par le « témoignage » des documents qu’il présente ici.

Didi-Huberman propose le « simple récit-photo » d’un voyage dans les papiers du ghetto de Varsovie. Il apporte sur le corpus d’images inédites, réunies clandestinement par Emanuel Ringelblum et ses camarades du groupe Oyneg Shabes entre 1939 et 1943, un premier regard et une première analyse.

L’auteur revient sur un point majeur et qu’il a déjà soulevé : « une simple image n’est jamais simple ». D’autant que celles-ci restent inséparables d’une archive de trente-cinq mille pages de récits, de statistiques, de témoignages, de poèmes, de chansons populaires, de devoirs d’enfants dans les écoles clandestines, de lettres jetées depuis les wagons à bestiaux en route vers les camps.

Vie de Gérard Fulmard, Jean Echenoz (par Jean-Paul Gavard Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 29 Janvier 2020. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Vie de Gérard Fulmard, janvier 2020, 240 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jean Echenoz Edition: Les éditions de Minuit

 

Dans la veine de Envoyé spéciale, Jean Echenoz présente un polar fulminant et humoristique. Son héros solitaire, ex-steward doté d’une surcharge pondérale, est en perpétuelle reconversion ou errance. Celui qui ressemble « à n’importe qui mais en moins bien » n’a aucun charme particulier et ne fait pas plus profession de joie que la rue où il vit.

Lugubrement réjouissant, le livre est celui d’un orfèvre libre qui cisèle les aléas de son détective grassouillet, et soigné par un psychiatre. Il rate tout au sein d’une histoire politique d’un parti (la FPI) aussi nul que lui et qui peut ressembler au « Rassemblement National » des Le Pen, même si Echenoz fait mine de ne pas y avoir pensé.

Mais l’histrion nous mène en bateau là où sa parodie est toutefois secondaire : ce qui compte c’est le style en ses continuelles pirouettes. Après Zatopek et Mike Brant, l’auteur réussit à nous intéresser à une vie désormais d’un héros de fiction. Son existence sans consistance est dans la droite ligne de deux modèles échenoziens : Jacques le Fataliste et Bouvard et Pécuchet, mais façon roman noir – ou presque.