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Seuil

Les Éditions du Seuil sont une maison d'édition française créée en 1935.

Maison très respectée dans le milieu de l'édition, entretient de bons rapports avec ses auteurs. Elle a notamment publié les œuvres de Jacques LacanRoland BarthesPhilippe Sollers (première période) ou plus tard Edgar MorinMaurice Genevoix ou Pierre Bourdieu.

La Maison au toit rouge, Kyoko Nakajima

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 21 Avril 2015. , dans Seuil, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Japon

La Maison au toit rouge, traduit du japonais par Sophie Refle, mars 2015, 301 pages, 21 € . Ecrivain(s): Kyoko Nakajima Edition: Seuil

 

Une dame d’âge respectable, Taki, rédige pour son neveu les souvenirs de ses années de service passées dans la famille Hirai, un foyer de la bourgeoisie tokyoïte. Le maître de maison est sous-directeur d’une entreprise de jouets, passablement prospère. Il a fait construire récemment une maison à Tokyo pour son épouse, Tokiko, et le fils de celle-ci. Tout le récit du roman de Kyoko Nakajima est articulé autour du basculement incessant entre deux époques, celle des années 30 du Japon de l’entre deux-guerres, conquérant, impérialiste, mais où il fait bon vivre, où les mœurs sont stables, confinent à l’immobilité ; et le Japon des années soixante, celui de la croissance économique, d’une entrée dans le monde occidental, au moins en apparence…

Ainsi, la narratrice souligne-t-elle le temps que les maîtresses de maisons dignes de ce nom devaient passer à préparer le nouvel an, à peaufiner la préparation des mets, à la visite systématique de tous les voisins… Tâches perçues pourtant par Taki comme nobles, valorisantes. Dans le domaine de la perception de l’histoire de son pays, Taki, peut-être à l’instar d’une grande majorité de ses compatriotes, revisite l’histoire de son pays d’une manière surprenante, qu’un observateur contemporain pourrait aisément qualifier de révisionniste. Le fils de son neveu, Takeshi, lui fait remarquer que le Japon faisait déjà la guerre en 1936 :

Un pays pour mourir, Abdellah Taïa

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 17 Avril 2015. , dans Seuil, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb

Un pays pour mourir, janvier 2015, 164 pages, 16 € . Ecrivain(s): Abdellah Taïa Edition: Seuil

 

Zahira, marocaine, immigrée en France, sans papiers, depuis dix-sept ans, se raconte, dans la majeure partie de ce roman rude, à la première personne, en mettant bout à bout, sans ordre linéaire, des fragments disparates, comme autant de morceaux épars d’un miroir brisé, de sa vie de prostituée envoyant régulièrement des mandats à sa famille qui, restée au pays, ignore la source véritable de cet argent.

Aziz, algérien, un des rares amis de Zahira, prostitué lui aussi à Paris, économise sou à sou sur ses prestations jusqu’à pouvoir se payer ce dont il rêve depuis son enfance : l’intervention chirurgicale qui fera de lui une femme.

Mojtaba, iranien, réfugié politique clandestin, erre dans Paris jusqu’à sa rencontre avec Zahira, qui le prend en charge, l’héberge, le nourrit, l’entretient et l’aime. S’ouvre alors dans la pauvre vie de Zahira et dans celle, chaotique, de Mojtaba, une parenthèse de bonheur qui se referme brutalement le jour où Mojtaba disparaît sans prévenir vers un possible vrai pays d’asile.

Les coqs cubains chantent à minuit, Tierno Monénembo

Ecrit par Theo Ananissoh , le Samedi, 14 Mars 2015. , dans Seuil, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman

Les coqs cubains chantent à minuit, janvier 2015, 188 pages, 17 € . Ecrivain(s): Tierno Monénembo Edition: Seuil

Comment dire cela d’une manière simple et claire ? Il y a comme une double nature à ce onzième roman de l’écrivain guinéen Tierno Monénembo. C’est une lettre – pas un roman sous la forme imitée d’une lettre, non, c’est un récit romanesque pour ainsi dire classique, une longue narration qu’un Cubain nommé Ignacio Rodríguez Aponte, paumé et enfermé dans son île, adresse à un « ami » guinéen installé à Paris, du nom de Tierno Alfredo Diallovogui. Le récit est donc à la deuxième personne du singulier.

« Dans quel état seras-tu quand tu auras fini de lire cette lettre ? Prostré, hébété, hystérique ? Non, non… Plutôt muet, plutôt absent, perdu dans des pensées profondes et graves ; hiératique, marmoréen (une vraie statue maya) alors qu’un feu intérieur et vorace te dévore, viscères et âme. Granit angoissé, va ! »

De bout en bout, nous entendons la voix d’Ignacio et le silence de Tierno, et imaginons celui-ci tête penchée sur ce qu’il lit. A coup sûr, une lecture attentive, prenante, pensive car c’est rien de moins que l’élucidation du mystère qui recouvre les toutes premières années (décisives, comme on sait)  de sa vie et du sort de sa mère évaporée alors qu’il n’avait que cinq ans qui lui est livrée dans ces près de deux cents pages.

Hokusai, le vieux fou d’architecture, sous la direction de Jean-Sébastien Cluzel

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Vendredi, 13 Mars 2015. , dans Seuil, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Hokusai, le vieux fou d’architecture, Coédition Seuil/BnF, 280 pages, septembre 2014, 29 € Edition: Seuil

En 1816, Katsushika Hokusai (1760-1849), le célèbre maître de l’estampe japonaise, consacre le cinquième volume de sa Manga à l’architecture. Vingt ans plus tard, il reprend ce thème dans un nouveau manuel de dessins, Livre de dessins pour artisans. Nouveaux modèles, publié en 1836 (Shoshoku ehon. Shin-hinagata en VO). Par la variété de leurs gravures et de leurs utilisations commerciales, on peut rapprocher ces deux livres des grands traités d’architecture d’Europe tels que par exemple Le Vignole moderne ou traité élémentaire d’architecture par J.B. de Vignole (1773) : ouvrage de vulgarisation dont l’objectif était d’exposer les principes de composition de l’architecture à travers ce que l’on nommait la théorie des Ordres.

Le Livre de dessins pour artisans. Nouveaux modèles est l’un des très rares livres illustrés dont la matrice originale nous soit parvenue dans leur intégralité. Malgré les changements d’éditeurs, les matrices pour les impressions des couleurs furent regravées au cours du temps. Faire de l’architecture le sujet d’un livre illustré était inédit au Japon, et jamais un recueil de gravures sur bois n’avait rendu des bâtiments avec autant de clarté, pour placer cet art à l’avant-garde de la pensée architecturale nipponne moderne.

Mémorial du génocide des Arméniens, Raymond H. Kévorkian, Yves Ternon

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 18 Février 2015. , dans Seuil, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Mémorial du génocide des Arméniens, novembre 2014, 496 pages, 30 € . Ecrivain(s): Raymond H. Kévorkian et Yves Ternon Edition: Seuil

 

L’année 2015 marque le centenaire du début du génocide des Arméniens, perpétré par le gouvernement turc de l’époque, Talaat Pacha, ancien ministre de l’intérieur, étant alors le maître d’œuvre des opérations. Ce fut tout d’abord l’arrestation, à Istanbul, le 24 avril 1915, de 600 intellectuels arméniens qui furent conduits à l’écart de la ville et qu’on ne revit jamais. Ce fut ensuite l’organisation méthodique de la déportation de toutes les populations arméniennes du pays, tant en convois ferroviaires, dans des wagons à bestiaux (déjà !) qu’en colonnes de déportés à pied. Dans tous les cas, la destination, pour ceux, peu nombreux, qui en réchappaient, en raison des attaques dont ils étaient victimes par les bandes kurdes sous l’œil bienveillant des soldats turcs, ou par les populations turques à qui on autorisait tout, moyennant parfois quelque argent, était le désert du nord de la Syrie, Der El Zor. Les survivants y étaient exécutés massivement, et ce lieu est devenu pour chaque Arménien de la diaspora ou d’Arménie un lieu sacré où la mémoire se fixe.