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L'Atelier Contemporain

Obstaculaire, Cédric Demangeot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 21 Mars 2022. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Obstaculaire, Cédric Demangeot, L’Atelier Contemporain, mars 2022, ill. Ena Lindenbaur, 128 pages, 20 €

 

Brutalisme

Je me suis permis de qualifier de brutalisme la poésie de Cédric Demangeot même si ce terme s’applique généralement à l’architecture. Je le fais car cela semble qualifier cette langue pleine de coins, d’angles, de surfaces brutes, d’excroissances parfois organiques, de moulages à froid. Où l’on y décèle nettement les architectures de sa pensée. J’y ai vu une esthétique de la brutalité.

Avant de poursuivre, je rappellerai les mots de Jean Genet qui écrit (je cite de mémoire) : J’appelle violence une audace au repos amoureuse des périls. Et même si cette poésie chante l’audace, elle chante surtout le péril, celui d’un ossuaire, d’obstacles au regard en soi, chantant une vérité sans apprêt, brut de décoffrage en un sens.

La Peinture et le cri, Jérôme Thélot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 10 Janvier 2022. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arts

La Peinture et le cri, Jérôme Thélot, octobre 2021, 184 pages, 25 €

N’es-tu pas reine ô toi que découronnera

La camuse au milieu des infâmes cris noirs

N’es-tu pas à présent le charnel chant du soir

N’es-tu pas la beauté que la mort posséda ?

Pierre Jean Jouve

Cri noir

La Peinture et le cri aurait pu se sous-titrer : Variations sur le cri. Car de Pollaiolo à Francis Bacon, Jérôme Thélot explore la production plastique occidentale du cri en peinture, s’appuyant sur l’effet de punctum qui prend sens dans la vision légèrement inquiète que suscitent les tableaux. Donc, il oriente le regard vers un suspens, un point d’orgue, un accent bruyant et muet, si cet oxymore convient, vers la bouche ouverte et béante de personnages sacrés ou profanes.

L’Œil immuable, Oskar Kokoschka (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 13 Septembre 2021. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Langue allemande, Arts

L’Œil immuable (Articles, conférences et essais sur l’art), Oskar Kokoschka, avril 2021, trad. allemand, Régis Quatresous, 456 pages, 25 € Edition: L'Atelier Contemporain

A l’école de la peinture

C’est un plaisir étrange que de fréquenter les œuvres des grands peintres. On y découvre toutes sortes d’univers, des créations marquées par un tempérament, ou encore des visions du monde où le regard joue un rôle essentiel. On apprend, avec eux, à voir ce qui nous entoure, nous qui sommes si souvent borgnes ou franchement aveugles en ce monde. C’est une riche école où il est question de formes et de vibrations, de lumières, de contrastes ou du feu intérieur des couleurs. Les peintres savent nous suggérer l’impalpable, l’intelligible ou le presque rien. Nous avons beaucoup à apprendre d’eux.

C’est ce à quoi l’on pense en lisant la publication des éditions L’Atelier contemporain, L’Œil immuable, ouvrage qui réunit des textes d’Oskar Kokoschka parus entre 1910 et les années 60. On y découvre que le grand artiste autrichien ne fut pas simplement peintre, contemporain de Klimt, acteur de l’expressionnisme naissant dans la Vienne du début du XXème, mais qu’on lui doit aussi une œuvre littéraire assez fournie. Des récits autobiographiques, des textes purement littéraires (poèmes et drames), des écrits politiques et des essais sur l’art. Ce sont ces derniers que rassemble l’ouvrage L’Œil immuable.

Une relation enragée, Correspondance croisée 1969-1986, Francis Ponge, Christian Prigent (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 14 Octobre 2020. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Correspondance

Une relation enragée, Correspondance croisée 1969-1986, Francis Ponge, Christian Prigent, août 2020, 224 pages, 25 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

Le marteau avec ou sans maître : correspondance Ponge / Prigent.

En 109 lettres écrites, et par deux acteurs éminents du monde poétique, se découvre une page importante de l’histoire littéraire et des revues à travers le positionnement respectif de Ponge et Prigent. La situation de la Revue TXT (que le premier lance avec Steinmetz) est précisée par rapport à ses aînés, Tel Quel, Critique, Promesse, Art Press et bien d’autres. Mais surtout cet échange permet de comprendre ce que Prigent a trouvé dans l’œuvre de Ponge : le refus du lyrisme subjectif qui englue la poésie et en conséquence la recherche d’une écriture sinon matérialiste du moins matérielle.

Attentif comme Ponge au détail formaliste, au corps stricto-sensu de la lettre, Prigent a néanmoins su échapper très vite à l’ombre du maître. Encore étudiant et écrivant un mémoire sur l’auteur du Pré, il refuse de plonger « dans Ponge jusqu’à en être pongéifié, empongé, pas près d’être é-pongé : et vlan passe-moi les Ponges : Ponge Pilate, Ponge créole, ponge toujours tu m’intéresses, honny soy qui mal y Ponge ».

Le Désir de voir, Laurent Jenny (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 29 Septembre 2020. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Arts

Le Désir de voir, Laurent Jenny, août 2020, 168 pages, 20 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

Des mots aux images – et retour

Laurent Jenny enseigne à l’université de Genève. Il a publié de nombreux travaux sur l’esthétique et l’idéologie littéraires. Dans Le Désir de voir, il glisse vers une forme d’autobiographie (ciblée) en remontant l’histoire de son initiation progressive au regard pictural et photographique. Surgissent les étapes de cette métamorphose. Voir dans le noir, L’instant de voir, Voir en rêve, et Manières de voir, segmentent l’exploration de plusieurs modes de vision, au croisement d’expériences personnelles, d’expérimentations artistiques, de lectures et de « regards ».

Les mots mettent progressivement le feu aux poudres des images. Et tout commence à l’ombre de Michaux et ses peintures-idéogrammes, puis avec et entre autres les œuvres d’Alexandre Hollan et ses dessins d’arbres, les encres de Joan Barbarà, les monotypes de Degas, l’Outrenoir de Pierre Soulages, et des « photographies » d’Oscar Muñoz.