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Editions Noir sur Blanc

 

Noir sur Blanc est une maison d'édition francophone suisse qui fait partie du Groupe Libella.

Elle a été fondée en 1987 à Montricher, Suisse, par Jan Michalski et Vera Michalski-Hoffmann. À l'origine, la maison était spécialisée dans l'édition en français de textes polonais et russes. Depuis quelques années, elle s'est ouverte à d'autres littératures, notamment à la littérature balkanique, celles des pays baltes, d'Asie ou d'Amérique du sud.

 

Etat d’ivresse, Denis Michelis (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Mercredi, 30 Janvier 2019. , dans Editions Noir sur Blanc, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Etat d’ivresse, janvier 2019, 140 pages, 14 € . Ecrivain(s): Denis Michelis Edition: Editions Noir sur Blanc

Elle est femme, épouse, mère et rédactrice d’un magazine de psychologie. Autant de statuts qui se combinent et façonnent une belle identité, solide et légitime. Mais que se passe-t-il quand l’état d’ivresse vient s’immiscer dans l’engrenage et gangréner tout le système ?

On ne peut plus exemplaire et significatif, le procédé narratif de focalisation interne prend toute son ampleur dans ce court roman de Denis Michelis puisque la narratrice enferme littéralement le lecteur dans son carcan d’ivrogne, sans d’autre perception que celle de ses propres délire et obsession. Hormis les spéculations hors texte auxquelles le lecteur ne manquera pas de s’adonner, il est inutile d’attendre des explications sur les tenants et aboutissants de cette situation. Comme le suggère le titre du roman, l’ivresse est postulée comme un état de fait que la narratrice, qui domine l’appareil discursif, serait bien en mal de justifier. En dépit de cette narration ingénieusement restreinte et resserrée dans le temps (une semaine et quelques jours), il n’est nullement question de l’allocution vaseuse, sans queue ni tête, d’une poivrote en plein délire, qu’il aurait été laborieux de retranscrire et plus encore de déchiffrer. Si confusion mentale il y a, elle se concentre sur le fond et n’entache point la forme. Faut-il rappeler que la narratrice est rédactrice de magazine et par conséquent capable de s’exprimer de manière intelligible ?

Dernières lettres de Montmartre, Qiu Miaojin (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 23 Janvier 2019. , dans Editions Noir sur Blanc, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman

Dernières lettres de Montmartre, octobre 2018, trad. chinois de Taïwan, Emmanuelle Péchenart, 262 pages, 17 € . Ecrivain(s): Qiu Miaojin Edition: Editions Noir sur Blanc

Le roman épistolaire est un exercice complexe puisqu’il consiste à faire apparaître le fil continu d’une intrigue romanesque dans la juxtaposition/succession de fragments narratifs discontinus rapportés dans une collection de lettres. Depuis les Héroïdes d’Ovide jusqu’à l’apogée du genre au XVIIIe siècle, le roman par lettres a connu des succès retentissants dont, entre autres, les Liaisons dangereuses, les Lettres Persanes, les Lettres portugaisesLa Nouvelle-Héloïse

Qiu Miaojin renouvelle le genre.

L’intrigue est simple :

Le personnage principal est Zoé. Chinoise, elle séjourne à Paris pour approfondir sur place sa connaissance de la littérature française dont elle est une amatrice inconditionnelle, tout en s’adonnant parallèlement à l’écriture. Elle y vit une liaison passionnelle avec Xu, une jeune femme taïwanaise, durant trois ans. L’ensemble des lettres constitue, par l’accumulation de détails épars, un tableau en puzzle de cette relation et en exprime l’atmosphère par touches intermittentes, le sujet principal du roman étant toutefois la rupture de cette union que Zoé nomme elle-même « mariage ».

Journal 1954, Léopold Tyrmand (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 23 Janvier 2019. , dans Editions Noir sur Blanc, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Journal-refuge,Varsovie 54

Léopold Tyrmand, né en 1920, avait trente ans lors de la rédaction de ce Journal 54. Après un parcours très difficile et héroïque, rescapé d’un camp d’extermination nazi (dont sa mère sera la seule survivante de sa famille), appartenant à une famille juive « assimilée » (l’adjectif est celui du communiqué de presse), des geôles du NKVD et du travail forcé en Allemagne (STO), il collabora à plusieurs revues et quotidiens, sans hésiter à écrire des articles personnels, ce qui lui valut une grave mise à l’écart, une interdiction de publier et une expulsion de son logement en 1946. Léopold Tyrmand, dans ce journal, consigne de nombreux événements, cite les personnalités en vogue tout en pointant les dérives et les manipulations d’un parti unique, coupable, selon lui, « d’un sabotage de la pensée ». Ce journal est un partage émouvant avec ce qui a été et n’est plus – une œuvre posthume –, un récit édifiant en bien des points car il nous apprend les finesses et les douleurs d’une existence bohème, nous permet la découverte d’un pays, de sa mentalité et de ses préoccupations. Nous cheminons à rebours, main dans la main, avec l’auteur dans sa pleine jeunesse, nous nous sentons familiers de ses confidences, et même si nous ne connaissons pas Varsovie, la force de son écriture nous campe cette capitale et ses alentours avec une vérité quasi photographique, entre, ce que nous assure Tyrmand, « clairvoyance et expérience ».

Manifeste Incertain 7, Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva, L’immense poésie, Frédéric Pajak (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 21 Décembre 2018. , dans Editions Noir sur Blanc, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Poésie

Manifeste Incertain 7, Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva, L’immense poésie, octobre 2018, 320 pages, 23 € . Ecrivain(s): Frédéric Pajak Edition: Editions Noir sur Blanc

 

« Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva : qu’ont-elles en commun ? L’une est d’Amérique, l’autre de Russie. Celle-là appartient au XIXe siècle, celle-ci à la première moitié du XXe. Toutes deux n’ont jamais douté de leur art, malgré leur isolement, la censure ou l’indifférence ».

 

« Certains vont le dimanche à l’église

Et moi – je reste à la maison

Avec un merle pour choriste

Et pour voûte un verger », Emily Dickinson

Le discours vide, Mario Levrero (par Carole Darricarrère)

Ecrit par Carole Darricarrère , le Mardi, 18 Décembre 2018. , dans Editions Noir sur Blanc, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Amérique Latine, Poésie

Le discours vide, octobre 2018, trad. espagnol (Uruguay) Robert Amutio, 192 pages, 14 € . Ecrivain(s): Mario Levrero Edition: Editions Noir sur Blanc

« Toute impulsion vers un objectif sera déviée immédiatement vers un autre, et ainsi successivement, et l’impulsion vers un objectif premier pourra être reprise ou ne pas l’être ».

Mario Levrero, soldat méconnu de la fine fleur contemporaine du « réalisme introspectif » latino-américain, signe hors sentiers battus, en livrée rouge vanille aux éditions Noir sur Blanc dans l’élégante collection Notabilia, l’œuvre subtilement névrotique d’un reclus laconique qui le place post-mortem dans le sillage intime de la cour des grands aux côtés de génies qui s’ignorent.

Le discours vide est un texte inclassable qui se présente comme un journal intime d’exercices calligraphiques pratiqués au point mort de la vie de famille comme de la narration et prévalent à une hygiène « psychosomatique ». Il se lit aussi fort bien sur le mode du portrait marginal d’un scripteur scrupuleux dont l’excentricité et les paradoxes, à l’arrêt sur le thème de l’interruption de tâche entendue comme « fractalité psychique », confèrent au texte sa singularité. Lisons lentement, afin de « capturer les contenus cachés derrière l’apparent vide du discours (…) sans nécessité de remonter aux premières causes, certainement préverbales », ce livre d’élucubrations existentielles vertueuses faussement naïves poussant l’ir l’ironie jusqu’à la rat rature symptomatique d’un narguant décalage.