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Les éditions de Minuit

Les Éditions de Minuit sont une maison d'édition française, fondée par Jean Bruller et Pierre de Lescure en 1941, pendant l'Occupation allemande de la France. En février 1942 est publié le premier ouvrage, Le Silence de la mer de Vercors (pseudonyme de Bruller).


Le Titanic fera naufrage, Pierre Bayard

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 12 Janvier 2017. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Le Titanic fera naufrage, octobre 2016, 176 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Pierre Bayard Edition: Les éditions de Minuit

 

Dans quelle mesure les écrivains et les artistes bénéficient-ils d’un talent particulier qui leur permettrait de prévoir l’avenir et de le retranscrire dans leurs écrits ou productions artistiques ?

La thèse de l’ouvrage de Pierre Bayard s’inscrit dans cette problématique que l’on peut caractériser d’intégrationniste (c’est-à-dire qui envisage des relations possibles entre le monde réel et le monde créé par la fiction), en se situant entre deux avis opposés, celui des coïncidences que défend Gérald Bronner, plutôt ségrégationniste en ce qu’il ne perçoit pas de relation de causalité entre les écrits fictionnels et les événements réels, et celui de la précognition, que soutient Bertrand Méheust, et duquel Bayard se rapproche.

Contrairement à Cassandre, à qui « les dieux avaient donné […] le don de prophétie, en la privant de la capacité d’être entendue », le pouvoir prédictif des écrivains a un impact politique fort, dans la mesure où il permet aux hommes sinon de modifier l’avenir, du moins de mieux s’y préparer.

Juste ciel, Éric Chevillard

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 19 Mars 2016. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Juste ciel, mars 2015, 141 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Éric Chevillard Edition: Les éditions de Minuit

 

Il s’appelle Albert Moindre. Déjà par son patronyme « restrictif », il est un peu le symbole de monsieur-tout-le-monde, à peine un peu plus important que vous et moi puisqu’il est quand même le personnage central du dernier roman d’Éric Chevillard.

Coincé dans l’entre-deux-mondes, peut-être au Purgatoire, tout simplement mort mais capable de nous raconter par l’intermédiaire de l’auteur ce qui se passe depuis le ciel. Albert Moindre est bien mort. Le voilà dans ce lieu improbable entouré de gens qui s’appellent tous Albert, ont tous la cinquantaine, sont tous myopes, très passionnés de violon, tous morts sur la route dans les mêmes circonstances, c’est-à-dire comme lui, écrasés par une fourgonnette. Le ton est donné, les élucubrations sur les questions de l’après-mort rendues par un écrivain à l’imagination débordante vont nous entraîner dans des délires parfois hilarants. On prend bien quelques fous-rires dans une suite de réparties toutes aussi inattendues les unes que les autres.

Envoyée Spéciale, Jean Echenoz (2ème critique)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Lundi, 14 Mars 2016. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Envoyée spéciale, janvier 2016, 320 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jean Echenoz Edition: Les éditions de Minuit

 

Le texte subtil de Jean Echenoz nous invite à suivre les péripéties de Constance, jeune et belle Parisienne désœuvrée qui est sélectionnée, sans son consentement, pour une mission en Corée du Nord, en passant par la Creuse. Autour de son personnage, plutôt passif tout au long du roman, viennent se greffer une multitude de destins qui entrent en convergence, par une voie ou par une autre, à la manière d’un écheveau dont le lecteur doit démêler les fils ou d’une enquête fantaisiste qu’il doit mener à bien.

Il s’agit là en effet d’une parodie de roman d’espionnage – où raison d’Etats et vies privées, dans toutes leurs petitesses, interfèrent, où les héros sont mus par un sens du devoir tout aléatoire et personnel. Pour parfaire l’ensemble, l’auteur accompagne son lecteur en parsemant son roman de métalepses discursives, irruptions en nous ou en on dans le récit, pour en donner les clés à un lecteur étourdi ou distrait, ou pour faire des apartés, des parenthèses argumentatives : « C’est maintenant sur le mari de Constance que nous allons nous pencher, si vous le voulez bien » ; « On se demande à ce propos ce qu’ils deviennent chez Pall Mall, à part Tausk il y a bien longtemps qu’on n’a plus vu quelqu’un fumer ça ».

Envoyée Spéciale, Jean Echenoz

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 01 Février 2016. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman

Envoyée Spéciale, janvier 2016, 320 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jean Echenoz Edition: Les éditions de Minuit

 

En trente-sept ans, Jean Echenoz (1947) a publié seize romans et un recueil de nouvelles, autant de plus ou moins brèves fêtes lexicales et stylistiques, où la légèreté apparente le dispute à l’appropriation des genres, en particulier le policier et sa variante plus politisée, le thriller. Le dix-septième de ces romans vient de paraître, et si Envoyée Spéciale n’a pas l’envergure de L’Equipée Malaise ou des Grandes Blondes, par lesquels on conviera tout néophyte à découvrir Echenoz, ce n’en est pas moins un excellent cru – pour qui est inconditionnel du style de l’auteur, du moins.

Comme nombre de récits signés Echenoz, Envoyée Spéciale raconte une histoire hautement improbable mais présentée sous les dehors de la banalité même : Solange, une bourgeoise parisienne bien sous tous rapports, est enlevée par trois hommes qui la séquestrent dans une ferme isolée de la Creuse. Rançon est demandée à son mari, Louis-Charles Coste, mieux connu sous le nom d’artiste Lou Tausk, qui, sur conseil de son demi-frère Hubert, avocat de son état, ne réagira pas à cette demande, même après l’arrivée par la poste d’un bout d’auriculaire…

Sortir du noir, Georges Didi-Huberman

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Samedi, 21 Novembre 2015. , dans Les éditions de Minuit, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Sortir du noir, novembre 2015, 64 pages, 6 € . Ecrivain(s): Georges Didi-Huberman Edition: Les éditions de Minuit

Georges Didi-Huberman prouve comment dans Le Fils de Saul l’univers est une obscurité qui se meut en tous sens, suspendue à une chambre de mort dans le regard du héros (ou de la victime) qui la réfléchit. Ce corps miroir est réfléchi par le corps du récit où est réfléchi le fond d’un abîme, d’un chaos. Mais c’est parce qu’il y a de l’image que le corps se pense ici. Elle « concentre » et oriente l’effet miroir du corps vivant dans le corps mort d’un enfant qui augmente intensément son pouvoir réfléchissant.

Dans le camp de la mort, tel que le film Nemes le montre, le corps change de portée, il est la nasse noire qui parle le chagrin irrépressible au-delà des larmes. Le monde entier se referme, enseveli avec les corps. Et Didi-Huberman explique comment la robe du récit n’est plus un enrobement, il dévoile s’écartant autant du documentaire que de la fiction.

A partir de récits de « zimmercommandos » promis à la mort car ils portent sur leur dos leurs frères et leurs secrets, la Shoah n’est que plus prégnante. Le réalisateur contourne l’obstacle de la représentation par le rôle prépondérant de la bande son (qui utilise toutes les avancées technologiques) et l’espace off qui sollicitent l’imaginaire du regardeur. La diégèse si elle est respectée n’a rien de naturalisme. Pour autant elle n’est pas simplifiée par les codes dramatiques identifiables induits par les autres récits sur l’Holocauste.