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La Baconnière

 

La Baconnière est une maison d'édition suisse.

La Filiale, Sergueï Dovlatov (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 29 Janvier 2020. , dans La Baconnière, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman

La Filiale, mai 2019, trad. russe Christine Zeytounian-Beloüs, 136 pages, 18 € . Ecrivain(s): Sergueï Dovlatov Edition: La Baconnière

 

Le milieu des expatriés, quels que soient leur nationalité d’origine et leur pays de résidence, est en général un terrain fertile pour l’observateur. Installé aux États-Unis depuis 1978, Sergueï Dovlatov décrit dans La Filiale un milieu qu’il connaît bien, celui des intellectuels russes exilés en Amérique du Nord. Il n’est pas rare que l’on se proclame intellectuel à peu de frais : il suffit d’avoir publié un bref article dans un périodique, pas forcément très lu, ou une plaquette vendue à quatorze exemplaires, pour se parer de ce titre.

Dans son petit roman largement autobiographique, Dovlatov se met en scène à travers un double transparent, Dalmatov, journaliste russe vivant aux États-Unis pendant « l’ère Gorbatchev » (qui dura en fait moins d’un septennat) et travaillant dans une publication destinée à ses compatriotes en exil. Vivant à New York, il est chargé par sa rédaction de « couvrir » un colloque d’intellectuels russes à l’autre bout du pays, en Californie.

La Zone Souvenirs d’un gardien de camp, Sergueï Dovlatov (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 11 Octobre 2019. , dans La Baconnière, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Récits

La Zone Souvenirs d’un gardien de camp, mai 2019, trad. russe Christine Zeytounian-Beloüs, 190 pages, 14 € . Ecrivain(s): Sergueï Dovlatov Edition: La Baconnière

 

La littérature relative aux camps soviétiques forme un ensemble immense, dominé par L’Archipel du goulag et les Récits de la Kolyma. L’anthologie de Luba Jurgenson et Nicolas Werth dans la collection Bouquins permet une première orientation. On a le sentiment qu’à la fois tout est dit (il paraît impossible de dépasser Soljénitsyne ou Chalamov) et que rien n’est dit, car aucune œuvre, si grande soit-elle, ne rendra jamais compte de ces millions de vies brisées. Dans la balance du monde, jamais la littérature ne pèsera le poids du mal. Il arrive cependant que des éditeurs sérieux découvrent des perles, ainsi La Zone de Sergueï Dovlatov. Installé au Kazakhstan, le camp en question est destiné aux détenus de droit commun. S’y retrouvent des assassins (p.15), mais surtout des ivrognes et des voleurs qui, une fois derrière les grilles, continuent à boire et à voler. Dovlatov est, si l’on veut, du mauvais côté de la barrière : durant son service militaire, il fut affecté dans ce camp comme gardien. Il y a un romantisme et une mythologie du prisonnier ; il n’y en a pas du gardien.

Confession téméraire, suivi de Cher Saba et La Cité de Bobi, Anita Pittoni (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans La Baconnière, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Roman

Confession téméraire, suivi de Cher Saba et La Cité de Bobi, mai 2019, trad. italien Marie Périer, Valérie Barranger, 209 pages, 20 € . Ecrivain(s): Anita Pittoni Edition: La Baconnière

 

« Je m’active, je m’agite, je me démène et me cache derrière des sentiments sublimes. Mais la vérité, c’est que je ne suis rien. (…) En moi rien n’est vrai, rien ne part d’un sentiment profond, tout provient d’un désir obscur, contraignant, impérieux de mouvement ».

Celle qui se fustige ainsi, c’est la brillante Anita Pittoni, tisserande d’art et créatrice du Zibaldone, maison d’édition de Trieste où affluèrent à partir de 1949 les plus grandes figures de la littérature italienne. On ne s’attardera pas ici sur cette célébrité trompeuse qui aurait laissé dans l’ombre une authentique écrivaine si d’autres éditeurs diligents n’y avaient mis bon ordre.

Les deux groupes de proses narratives et poétiques rassemblées sous le titre intimiste de Confession téméraire font apparaître une sensibilité inquiète, une imagination visionnaire et un grand souci d’élaboration littéraire sous l’égide de Nietzsche, cité en épigraphe : « Le plus remarquable est le caractère involontaire de l’image, de la métaphore (…) tout se présente comme l’expression la plus immédiate, la plus juste, la plus simple ».

Le Compagnon de voyage, Gyula Krúdy

Ecrit par Yann Suty , le Lundi, 27 Août 2018. , dans La Baconnière, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman

Le Compagnon de voyage, mai 2018, trad. hongrois François Gachot, 152 pages, 10 € . Ecrivain(s): Gyula Krudy Edition: La Baconnière

Le problème, quand on prend le train, c’est qu’on ne choisit pas ses voisins. Il y en a des sympathiques, d’autres antipathiques. Des voisins indifférents, d’autres qui lisent. Et il y a les bavards, les gens qui ont envie de parler, mais pas seulement de parler, de raconter leur vie dans ses menus détails, comme s’il était plus facile de se confier à un inconnu. C’est ce qui arrive au narrateur du livre de Gyula Krúdy, Le Compagnon de voyage, lors d’un voyage « au clair de lune ». Un narrateur qui va aussitôt se retirer pour laisser la parole à un autre narrateur.

Et ce compagnon de voyage entreprend de lui relater l’histoire qui lui est arrivée des années, à une époque où il aimait encore « la perpétuelle odeur de bière et de ragoût au paprika qui vous accueillait à l’entrée de l’auberge ». « A cette époque, j’étais encore un homme gai »,avertit-il. A cette époque, il multiplie les conquêtes d’un jour ou d’un soir, il n’a aucune intention de se fixer jusqu’au jour où, dans une pension d’une petite ville de Haute-Hongrie où il pense ne faire que passer, il rencontre une certaine Madame Hartvig. C’est sa logeuse, une femme dans les trente à quarante ans, dont les traits se sont révélés lentement à lui, « à la manière d’une figure de rêve ». Le narrateur est subjugué par les jambes de la femme (« Comme une nonne qui serait née avec des jambes de putain ») et c’est pourquoi il décide de rester plus longtemps dans la petite ville de X pour tenter de la séduire, dans « l’état d’esprit romantique d’un ravisseur ».

Lettres d’Angleterre, Karel Capek (2ème critique)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans La Baconnière, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Correspondance

Lettres d’Angleterre, trad. tchèque, Gustave Aucouturier, 171 pages, 12 € . Ecrivain(s): Karel Čapek Edition: La Baconnière

Sus au Brexit. Ce n’est pas parce que les Anglais tournent le dos à l’Europe que nous devons les ignorer. Il y a tant de choses à voir chez nos voisins d’outre-Manche qu’il serait dommage de ne pas y faire un petit tour.

Pour découvrir (ou redécouvrir) un pays étranger, un guide touristique est indispensable. Et quel meilleur guide qu’un écrivain ? Certes, il ne va pas forcément s’intéresser aux horaires d’ouverture de la National Gallery ou de la Tour de Londres – à tant de données bassement pratiques –  mais il peut nous présenter le pays autrement, en empruntant des chemins de traverses. Ajoutez-y quelques considérations humoristiques ou morales et on se retrouve très loin du Guide du routard.

Notre guide, c’est Karel Capek. Il voyage en Grande-Bretagne et il y écrit des lettres pour faire partager ses découvertes. Et quand les mots ne suffisent pas – même quand on est une plume ingénieuse comme l’auteur de La Guerre des salamandres – il ajoute des dessins. A croire qu’une image est plus parlante qu’un long discours. Mais quel que soit le talent de celui qui s’y attèle, une photo de horse-guard sera sans doute plus parlante qu’une description pour rendre compte de ce haut chapeau haut et étroit, noir et poilu dont s’affublent les gardes de sa Majesté. Les habitudes anglaises peuvent-elles mettre à mal les plus fieffés lettrés ?