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Buchet-Chastel

Buchet/Chastel est une maison d’édition généraliste qui publie de la littérature française et de la littérature étrangère, des essais, des documents, des biographies, des livres sur la musique et sur l'écologie.

 


Tout ce qu’elle croit, Anne Lauricella (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Lundi, 09 Mars 2020. , dans Buchet-Chastel, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Tout ce qu’elle croit, Anne Lauricella, février 2020, 288 pages, 18 € Edition: Buchet-Chastel

 

Qu’elle se dissimule derrière une narration à la troisième personne partiellement déponctuée, qu’elle donne la parole au « je » de l’enfant candide qu’elle n’est plus ou encore qu’elle recoure aux meubles, aux objets, aux choses pour témoigner d’un temps heureux et innocent, une seule et unique voix se dégage de ce récit à fleur d’âme, celle de la femme qui, affreusement, souffre et cherche, sinon à se reconstruire, du moins à contenir le mal qui la ronge et à en saisir le point de bascule. Car c’est bien là, à ce point de non-retour, que se situe toute l’intrigue : qu’a-t-il bien pu se passer et quand ?

La première partie du roman laisse entendre qu’un drame familial a eu lieu entre l’enfance et l’adolescence. Très vite, on comprend que le père, l’idolâtré, a trahi la confiance inconditionnelle de sa fille, a piétiné ses croyances virginales et laminé les fondements nécessaires à son épanouissement. Devenue femme, l’enfant chérie, modèle, promise à un brillant avenir, vit dans le dénuement à tout point de vue. Totalement instable, elle se trouve dans l’incapacité de créer du lien social. Père et mère lui ont tourné le dos.

Beethoven par lui-même, Nathalie Krafft (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Lundi, 06 Janvier 2020. , dans Buchet-Chastel, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie

Beethoven par lui-même, Nathalie Krafft, novembre 2019, 160 pages, 21 € Edition: Buchet-Chastel

 

Beethoven avait pour devise : Nulla dies sine linea (Pas un jour sans une ligne). Ligne de musique, mais pas seulement. Les Lettres et Cahiers de conversation, tenus par le compositeur sourd pour communiquer avec son entourage, témoignent de la nécessité d’écrire, et de préférence selon la spontanéité chaotique de ses humeurs. Les pensées du Maître, à l’image de la ponctuation qui les rythme, nous sont livrées à l’état de fragments. « Plutôt émotion exprimée que peinture descriptive » écrit-il sur la page de titre de la sixième symphonie, dite « pastorale ». Son style écrit obéit à cette injonction musicale : en témoigne l’emploi fréquent des tirets dans ses lettres, « Gedankenstriche » – qui signifie littéralement « tirets de pensée » – si commun à la poésie allemande des XVIIIe et XIXe siècles. Beethoven est musicien jusque dans ses lettres, non seulement dans leur contenu – il était, comme Schumann et Wagner plus tard, ses deux héritiers allemands, autant littéraire que musicien –, mais aussi dans leur forme : sa langue chante et il rassemble ses morceaux de pensées comme il compose ses mélodies.

Proust latino, Rubén Gallo (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Lundi, 25 Novembre 2019. , dans Buchet-Chastel, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Proust latino, Rubén Gallo, octobre 2019, 300 pages, 22 € Edition: Buchet-Chastel

 

« Un livre est un grand cimetière où sur la plupart des tombes on ne peut plus lire les noms effacés », écrit Proust dans Le Temps retrouvé. D’où « la vanité des études où on essaie de deviner de qui parle un auteur ». Pourtant, nombreux sont les lecteurs et critiques de la Recherche à avoir tenté, chacun leur tour, de mettre des noms sur des visages. Ce n’est pas l’intention de Rubén Gallo, du moins échappe-t-il à cet écueil en résolvant dès le début de son étude ce faux dilemme qui se pose, en réalité, pour chaque œuvre romanesque. « La vie et l’œuvre de Proust entretiennent la même relation que les carafes plongées dans la Vivonne décrites dans un célèbre passage du roman : la carafe contient l’eau mais est aussi contenue par la rivière. La vie et l’œuvre de Proust sont aussi contenantes et contenues ».

Le Temps des orphelins, Laurent Sagalovitsch (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 03 Septembre 2019. , dans Buchet-Chastel, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire

Le Temps des orphelins, août 2019, 220 pages, 16 €. . Ecrivain(s): Laurent Sagalovitsch Edition: Buchet-Chastel

 

Du discours prononcé par Churchill le 13 mai 1940, on connaît la fameuse énumération : « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Mais on ignore souvent la suite : « faire la guerre contre une tyrannie monstrueuse, qui n’a jamais eu d’égale dans le sombre catalogue des crimes humains ». Elle montre que le Premier Ministre anglais savait que, sur le continent, se déroulait une entreprise qui n’avait rien à voir avec les horreurs traditionnelles de la guerre. De manière générale, oui, les chefs d’État alliés savaient que des dizaines de milliers de Juifs disparaissaient pour ne plus reparaître nulle part en ce monde. Ils avaient entendu parler de « camps de la mort », mais cette expression demeurait abstraite. Et, au milieu d’un flot ininterrompu d’informations, le grand public en avait vaguement connaissance. Mais entendre parler du processus d’extermination est une chose ; le découvrir dans sa matérialité, son épaisseur, sa réalité, en est une autre. Ce furent les soldats soviétiques (lesquels avaient mieux qu’une idée de ce que le totalitarisme signifie) qui pénétrèrent les premiers dans les camps nazis. Leurs témoignages là-dessus sont, semble-t-il, rares.

La Terre invisible, Hubert Mingarelli (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 27 Août 2019. , dans Buchet-Chastel, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire

La Terre invisible, août 2019, 182 pages, 15 € . Ecrivain(s): Hubert Mingarelli Edition: Buchet-Chastel

 

Que dire après avoir vu ce qu’ont vu les libérateurs des camps d’extermination ? Que dire après avoir vu l’indicible ? Le narrateur de ce roman – le seul personnage à n’avoir pas même de nom – se pose la seule question possible : avons-nous vraiment vu ce que nous avons vu ?

Que dire ?

« Soudain je me penchai vers Collins et lui dis dans un demi-sommeil et sans vraiment réfléchir :

Collins, qu’est-ce que nous avons vu là-bas ? »

L’entrée dans le Camp a tous les traits d’un cauchemar debout, enfoui dans un silence effroyable. L’écriture même de Mingarelli ne trouve plus son souffle dans une interminable phrase.