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Arfuyen

Les Éditions Arfuyen ont été créées par Gérard Pfister en 1975 et ont bénéficié depuis leur origine du soutien et de la participation de Philippe Delarbre, Marie-Hélène et William English et Alain Gouvret.
Elles sont aujourd'hui dirigées par Anne et Gérard Pfister.

 


La vie de Marie, Rainer Maria Rilke

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 12 Juin 2013. , dans Arfuyen, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Langue allemande, Poésie

La Vie de Marie, traduit de l’allemand par Claire Lucques, Edition bilingue, 88 pages, 11 € . Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Arfuyen

 

Cet ouvrage précieux présente en treize tableaux poétiques, disposés chronologiquement, la vie de Marie de sa naissance à sa mort.

Face au texte original en allemand, l’excellente traduction de Claire Lucques, qui réussit à en rendre au mieux l’esprit, la lettre et la force poétique, permet au lecteur non initié à la langue de Goethe d’entrer dans le monde torturé de Rainer Maria Rilke et d’en ressentir toute la puissance lyrique.

Mais l’édition bilingue offre à ceux qui ont la chance de pouvoir lire ces poèmes dans le texte initial, qu’ils soient croyants ou non, la possibilité d’une communion particulièrement intense, voire bouleversante, par-delà les années et au-delà de la mort du poète, avec l’âme de Rilke le mystique.

Dès la première strophe s’annonce le souffle poétique qui a inspiré le poète tout au long de ces treize compositions.

Sur le fleuve, Silvia Baron Supervielle

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 15 Mai 2013. , dans Arfuyen, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Sur le fleuve, 2013, Prix Jean Arp, 14 € . Ecrivain(s): Silvia Baron Supervielle Edition: Arfuyen

Cette distance


C’est avec grand intérêt que j’ai reçu ce livre, prix Littérature Francophone 2012, car il recoupe divers intérêts qui sont miens au moment présent, et me permet de revenir aussi à d’anciennes idées qui ont été à la base de ma formation universitaire de troisième cycle, et qui, sous la direction de Philippe Tancelin, m’ont permis d’élaborer une problématique difficile sur l’étrangeté en esthétique littéraire. J’avais conçu avec ce professeur et poète de l’Université Paris VIII un ensemble phénoménologique complexe où la question de l’intervalle et de la distance était centrale. Je parlais avec lui de langue altérée, de porosité, de flux, de fluidité – et n’est-ce pas, les fleuves ne sont-ils pas bien ces zones aquatiques qui font des frontières molles, et qui coupent en soi le plus connu, le plus chéri, du plus lointain et du plus regretté, comme le symbolise le fleuve sacré où Siddhârta finit par rejoindre Bouddha ? Donc, pour nous, lecteurs qui venons après que les écrivains sont passés par cette ère du soupçon et de l’étonnement devant des mots simples, par un nouvel enchantement, je puis dire que cette série de cinq chapitres d’à peu près vingt poèmes pour chaque section, convient bien à ce qui fait la qualité presque orientale de cette langue, langue française que Silvia Baron Supervielle pratique depuis les années 60 comme langue de prédilection pour l’expression littéraire.

Soleils chauves, Anise Koltz

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 06 Juin 2012. , dans Arfuyen, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Soleils chauves, Editions Arfuyen, 2012, 10 € . Ecrivain(s): Anise Koltz Edition: Arfuyen

Filiation à propos d’Anise Koltz


Entrer dans ce livre par un poème qui semble avoir des relations avec le Paysage aux arbres verts de Maurice Denis, ouvre la porte poétique et intrigante, spirituelle et rêveuse de ce recueil au drôle de titre. D’ailleurs, ce dernier livre d’Anise Koltz est illustré par un détail de la Campagne romaine de Schirmer qui donne selon moi le ton général à cette suite de poèmes assez courts dont le propos est resserré. On y voit de petits monticules de terre peints avec de l’ocre brûlé sur un fond de ciel rose thé, sorte de dolmens, de stèles, vue profonde sur le Latium. J’écrivais il y a peu à Gérard Pfister, le directeur de la maison Arfuyen – qui suit le travail d’Anise Koltz depuis plusieurs années –, que ces stèles donnaient une impression nocturne, de monde déserté. Et, avec des petits instants pris dans le réel, cette série de 134 poèmes finit par se nouer autour de quelques thèmes, que je vais essayer de rendre visibles au lecteur.

Je, tu, il, Valère Novarina

Ecrit par Didier Ayres , le Dimanche, 15 Avril 2012. , dans Arfuyen, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Théâtre

Je, tu, il, editions Arfuyen 2012. 10 € . Ecrivain(s): Valère Novarina Edition: Arfuyen

La lecture de Je, tu, il a été tout de suite envahie par deux choses extérieures - tel que Michaux l'écrit si bien : Je cherche un être à envahir. Deux choses donc, le Relief à l'assiette de Jean Pougny (Ivan Puni, 1884/1956), et  le chapitre 1 de Matthieu. Pour la première occurrence, c'est sans doute à cause de la proximité de ce tableau et de la Danseuse de Jean Arp (1886/1966), dans un catalogue d'art moderne. Car il va d'évidence que l'univers plastique du livre avec des répliques comme : "Nous mangeons le carré, le triangle, le cercle et sa courbe, et nous mangeons le point" a un rapport avec Arp. Mais cet univers semble entretenir aussi une relation significative avec le tableau de Pougny, qui représente une assiette, sorte d'auréole blanche cerclée de vert amande en relief, accrochée sur un bois de tilleul sienne rouge, sorte de repas dernier ou encore de croix, de Cène ou de Golgotha.

En second lieu, la deuxième chose forte qui vient à l'esprit, et à diverses reprises au cours de la lecture, c'est la ressemblance assez vive avec l'énumération du chapitre 1 de Matthieu, où l'évangéliste décline l'identité du Christ depuis la genèse. C'est en fait un nom qui engendre un autre nom. Cela permet de voir aussi dans ce texte de Valère Novarina le corps, l'animal, la forme géométrique, des angles, l'intérieur de l'humain, des bouches, Isaac et Abraham, et diverses épithètes, dont il faudrait sans doute dresser la liste - on sait d'ailleurs que l'écriture a été inventée pour énumérer (et qu'elle a accompagné le développement d'une nouvelle zone du cortex cérébral).

L'obscur travaille, Henri Meschonnic

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 02 Février 2012. , dans Arfuyen, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

L’obscur travaille, Ed. Arfuyen, Janvier 2012, Paris-Orbey, 98 p., 9 € . Ecrivain(s): Henri Meschonnic Edition: Arfuyen

Comment parler de la poésie sinon en faisant suivre les citations jusqu’à l’instant où il paraît possible que le poème se fasse entendre ? Pour ma part, j’ai toujours trouvé difficile d’écrire sur l’œuvre d’un poète, parce qu’il y a un feuilletage typique à la poésie, une épaisseur que l’on connaît, à la lecture, mais que n’arrive pas à rendre le flot continu de l’escorte du discours critique.

Cependant, rien n’empêche d’essayer. Et pour le cas présent avec le recueil d’Henri Meschonnic, L’Obscur travaille, publié cette année par l’éditeur Arfyuen, l’occasion est bienvenue. Et pour pallier aux questions que je soulevais dans mon introduction, j’ai pensé, un moment, faire une lecture approfondie du Meschonnic critique, qui œuvrait depuis 1970 dans le champ de la réflexion sur la littérature et la philosophie, en allant vers ses livres successifs autour de la poétique. Mais pour finir, et pour affronter seul à seul le silence et la quasi nudité des poèmes de cet ultime recueil, j’ai choisi la voie la plus simple, et j’ai lu, espérant pouvoir m’allier assez à l’auteur pour porter un peu de lumière sur les poèmes, sinon, sur la poésie.

Silence, donc, raréfaction des images, peu ou pas de couleurs ou de métaphores, et pour finir une impression de pas dans la neige – deux pieds de neige sur le plancher écrivait Kerouac –, d’une empreinte, laissée par un absent, de la nudité, du soustraire, la recherche d’une quintessence, d’une voix de dedans presque sourde car ténue, labile.