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La Brune (Le Rouergue)

Editions rattachées aux éditions Le Rouergue

Majda en août, Samira Sedira (2ème critique)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Lundi, 02 Mai 2016. , dans La Brune (Le Rouergue), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Majda en août, mars 2016, 138 pages, 16 € . Ecrivain(s): Samira Sedira Edition: La Brune (Le Rouergue)

De la malédiction d’être femme ?

A force de parler immigration, on en oublierait presque que le phénomène n’est pas franchement nouveau, que les « cités » comme on dit parfois pudiquement, sont des lieux où tout n’est pas rose, loin s’en faut. Le monde devient vite un enfer quand les préjugés, la violence, l’exil et quelques autres ingrédients font régner une implacable loi du silence, que de sourdes culpabilités et d’obscures trahisons interdisent de briser.

Des silences et du défaut de parole, Majda ne cesse de payer le prix exorbitant. Seule fille et sœur aînée d’une fratrie de 6 garçons, elle aura aussi l’une des tares les plus dures à porter dans le monde qui l’entoure : être femme. Si l’on ne naît pas femme (ou homme) mais qu’on le devient, Majda, elle, n’aura pas vraiment l’occasion de devenir quoi que ce soit, si ce n’est une errance arrêtée à coup de neuroleptiques et d’internements. Un père pourtant « différent » – peut-être un peu trop – mais incapable de tendre la main au-delà de ses propres barreaux. Une mère toute entière dévouée à ce qu’une mère doit être, résignée à tout par avance, dévouée à tous et condamnée à perpétuité à une double peine, femme et mère. Et puis les frères. Surtout l’aîné, Aziz, plein de colère, adolescent qui s’inscrit docilement dans un conformisme machiste et radical qui ouvrira le sentier de la folie à sa sœur.

Dans la neige, Arnaud Rykner

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mardi, 29 Mars 2016. , dans La Brune (Le Rouergue), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Dans la neige, mars 2016, 128 pages, 13,90 € . Ecrivain(s): Arnaud Rykner Edition: La Brune (Le Rouergue)

C’est une citation de Robert Walser qui ouvre le roman singulier, Dans la neige, d’Arnaud Rykner :

« Juste devenir idiot. Il y a quelque chose de merveilleux à devenir idiot. Mais il ne faut pas le vouloir, cela vient tout seul ».

L’histoire de Joseph c’est celle d’un auteur prolifique et brillant qui a cessé d’écrire pour rejoindre la nudité du temps, la vie la plus dépouillée, la plus vidée de pensées encombrantes pour gagner la joie de seulement être là.

Tour à tour, Joseph ou Tobias (qui vous voulez), tour à tour à la première ou à la troisième personne, le récit semble polyphonique. Le narrateur, ou plutôt les narrateurs en une même personne, c’est Joseph ou Tobias ou « qui vous voulez », un être simple ? Un être tout en poésie, et en vérité, celle du vent, des oiseaux, des cailloux et des lacs, qui nous parle de ce qu’il appelle « la métaphysique du petit pois ». « Entre les ongles, les doigts poussent, la tête sort. Petit pois tombe. J’écosse des petits pois ». Sa vie à l’hospice (pas l’asile) est faite de choses simples, de mots simples, de pensées simples, d’une vie toute simple, faite de rires et de tristesse, de drames parfois et surtout avec une seule raison d’être : « Rien à faire qu’à être bien », leitmotiv lancinant, tout autant que peut l’être sa douleur dans la répétition d’un « où est Lisa ? » qui scande le récit.

Majda en août, Samira Sedira

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 25 Mars 2016. , dans La Brune (Le Rouergue), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Majda en août, mars 2016, 138 pages, 16 € . Ecrivain(s): Samira Sedira Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

« La pluie tombait tiède et fine. Elle tirait sa petite valise à roulettes dans les flaques, sur le bord de la route ; ses pieds étaient nus ; ses joues noires de crasse. Le délire l’avait menée sur les rivages salés de son enfance, l’aveuglante lumière du Sud. A toutes les personnes qu’elle avait croisées ce jour-là, elle avait demandé : Babylone, c’est encore loin ? ».

Un des plus forts ; un des plus beaux livres du Printemps – assurément bien davantage – est là, replié dans ses 138 pages, comme chrysalide palpitant à peine. Promesse de vie ou de mort ? Les deux sans doute, les deux peut-être. En tous cas, livre-choc ; livre-voyage ; livre-rencontre avec une femme, devenue malade psychique, portée là, sur ces rivages de la folie si peu ordinaire, par son enfance, les accidents de sa vie, sans compter nous, notre société, notre Histoire. Nous en sortons, ballottés, émus-aux-larmes ; Majda, qu’on emporte, nôtre.

Le dernier amour d’Attila Kiss, Julia Kerninon

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 30 Janvier 2016. , dans La Brune (Le Rouergue), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le dernier amour d’Attila Kiss, janvier 2016, 123 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Julia Kerninon Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

« Attila, quelque part dans la fraîcheur de l’automne de ses cinquante-deux ans, la main dans celle de la jeune femme qui l’aimait la tête haute, déposait les armes pour la première fois de sa vie… »

Histoire d’amour, donc ; densité nerveuse de son écriture, de ses fonds d’écran – à moins que ce ne soit l’écran lui-même – quelque part en Hongrie, se souvenant de l’ancienne Autriche-Hongrie des livres d’Histoire. Julia Kerninon – cet auteure qui est un vrai et un grand (très) écrivain – est aux manettes et c’est un vrai bonheur.

Ce petit livre est fort et « peuplé » comme peu de livres actuels le sont. Ce goût pour délayer qui hante trop souvent notre littérature est absent ici ; 123 pages – chacune, remarquable, par la capacité à forger l’histoire, poser de grands personnages, et surtout balayer à coups de mots ciselés, ce qu’ils ressentent, vivent, emportent avec eux. Quelle symphonie que ce livre ! On hésite entre Mahler et des pages douces de Wagner. Une musique en tous cas de cette Europe centrale.

La maladroite, Alexandre Seurat

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 03 Septembre 2015. , dans La Brune (Le Rouergue), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire

La maladroite, août 2015, 122 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Alexandre Seurat Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

La Maltraitance infantile. Ce qu’on sait d’elle – de plus en plus, après tout l’infini des années-silence. Ces sujets-TV, ces faits divers posés devant nous, dans notre confort, notre bonne conscience – mais comment peut-on ? mais pourquoi n’a-t-on pas fait… le ronron de nous face aux scandales de la société dans laquelle nous nageons, en même temps que ce gamin qui…

On aurait attendu, là, et avec intérêt, l’essai ; les points de vue croisés des Institutionnels ou des décideurs. Des propos, des argumentaires, et, dépourvus d’identités diverses, floutés, sans noms, ni couleurs de cheveux, ni voix : les « sujets maltraités ». Alors le roman dans tout ça ? Et bien, le roman, justement…

Alexandre Seurat – premier roman, ici – connaît à fond son sujet, est ? voisine avec ? un des acteurs de son curieux récit-roman. Il réussit remarquablement à faire se croiser les aspects documentaires, les acteurs – institutionnels de tous poils ; école, médecine scolaire, services sociaux et juridiques – et ce qui nous prend aux tripes – allez ! pas guère après la page 12 ou 15 – nous faisant garder le bouquin à la main, jusqu’au moment où l’on éteint la lampe, dernière page fermée, en reposant le livre, un œil dessus : celui-là ! On se rappellera ! Objectif parfaitement atteint, Monsieur Seurat !