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Joelle Losfeld

Autour de moi, Manuel Candré (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Vendredi, 17 Mai 2019. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Autour de moi, 104 pages, 11,90 € . Ecrivain(s): Manuel Candré Edition: Joelle Losfeld

 

Après avoir lu et aimé Des voix de Manuel Candré, j’ai été intéressé à découvrir ce qu’il avait écrit avant. Ce sont deux courts romans dont le premier, Autour de moi, débute ainsi :

« 04.07.07 – Je me tiens les deux pieds joints en bas de la maison… ».

Immédiatement, on s’interroge : De quoi est fait ce livre ? De notes prises au jour le jour ? De souvenirs égrenés après coup ? Journal ou travail de mémoire ? Nous entrons dans ce texte en intrus, en voyeur.

Des phrases sèches viennent à nous et nous assènent leurs coups de trique : « La gueule rougie par l’alcool à venir. Le surgissement annoncé de la violence. Tout est bien pour l’instant ».

Les souvenirs déboulent un à un. Sans chronologie véritable (normal, le cerveau se moque du temps et ouvre ses tiroirs dans l’ordre qui lui plaît) : « Ma mère s’est finalement décidée à quitter mon père. Là, elle coupe les carottes en morceaux et les enfile dans le robot ».

Mado, Marc Villemain (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Février 2019. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Mado, février 2019, 160 p. 15 € . Ecrivain(s): Marc Villemain Edition: Joelle Losfeld

 

Marc Villemain, dans ce roman virtuose, réussit un double défi. Ecrire un beau roman d’amour – ce qui de nos jours relève de la rareté extrême – et parler non des filles de quinze ans mais comme une fille de quinze ans, avec une justesse, une délicatesse, une pertinence saisissantes. La jeune narratrice, auteure du journal intime qui constitue la matière de ce livre (et qui intervient aussi parfois, quinze ans plus tard devenue adulte) nous raconte une amour exceptionnelle – le féminin d’amour, normalement réservé au pluriel, s’impose ici au singulier.

On ne découvre le prénom de la narratrice, Virginie, qu’à la page 53. Rien d’étonnant à cela, la jeune Virginie, dès les premières pages, est éblouie, dominée, fascinée, reléguée au second plan par l’époustouflante Mado dont elle tombe éperdument amoureuse. Mado, pas une fille, un rêve : belle, sûre d’elle déjà malgré son jeune âge, sensuelle, intelligente, fascinante. Elle efface tous les personnages du roman par son rayonnement quasi divin.

Le Cherokee, Richard Morgiève (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 29 Janvier 2019. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman

Le Cherokee, janvier 2019, 480 pages, 24 € . Ecrivain(s): Richard Morgiève Edition: Joelle Losfeld

 

Le Cherokee de Richard Morgiève porte superbement son titre, celui d’un des classiques de Jazz les plus célèbres, joués par Charlie Parker, Count Basie, Lee Konitz ou Wynton Marsalis. Un rythme staccato, très élevé, mais une sonorité retenue. Morgiève écrit sur ce tempo, sur ce son. Obsédant et possédé, comme l’est le Shérif Nick Corey, assailli par ses fantômes et ses blessures incurables. Car c’est bien le personnage qui occupe la place centrale du roman, détrônant la sacro-sainte enquête traditionnelle du roman noir. Morgiève se moque des codes du genre, une abracadabrante histoire d’avion sans pilote et d’invasion de Martiens vient pasticher avec ferveur les storytellers purs et durs. On peut en dire autant de l’éternel Serial Killer, le Dindon, dont on peut se demander s’il n’est pas celui de la farce.

Non, ce roman est une expédition spéléologique dans les profondeurs d’un homme, Nick Corey, dont les recoins de l’âme sont un paysage halluciné, peuplé de fantômes – ceux de son père et sa mère adoptifs adorés et sauvagement assassinés quand il était encore enfant – d’horreurs sanglantes, d’échecs amoureux, de pertes inlassables. L’âme d’un homme jeté dans la solitude et le désespoir d’une humanité haineuse et violente. Désespoir des humains, désespoir de soi, Corey ne se supporte pas lui-même, ne s’épargne pas la responsabilité de la déchéance du monde.

Des jours sans fin, Sebastian Barry

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Verdier

Des jours sans fin, janvier 2018, 259 pages, 22 € . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Joelle Losfeld

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Sebastian Barry est irlandais et, comme ses ancêtres irlandais, il va et nous emmène en Amérique. Pour y retrouver des Irlandais bien sûr, à commencer par les deux héros de ce roman, Thomas McNulty et John Cole, deux jeunes garçons, amoureux l’un de l’autre, qui cherchent ensemble un destin.

Si Thomas McNulty, le narrateur de ce roman, vous le résumait, il dirait sûrement qu’entre deux massacres d’Indiens et un carnage entre eux, les Blancs découvrent aussi que l’on peut aimer et être heureux. Sebastian Barry nous offre un livre d’amour au milieu des flots de sang du XIXème siècle américain, dans un page-turner passionnant. Par le contraste saisissant entre l’horreur et la possibilité du bonheur, il construit un roman superbe sur l’absurdité des hommes, leur aptitude à entreprendre les cauchemars et à être les premiers à en souffrir.

Le couple Thomas-John est en soi une métaphore de l’Amérique. Entre amour, tendresse, générosité et Guerres, violence, fureur. Pour tout vous dire, ils sont danseurs travestis en femmes dans les périodes où ils sont civils et soldats dans l’armée yankee le reste du temps ! Ce n’est pas commun.

Smile, Roddy Doyle

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 31 Août 2018. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire

Smile, août 2018, trad. anglais (Irlande) Christophe Mercier, 256 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Roddy Doyle Edition: Joelle Losfeld

 

Ce roman venu d’Irlande va vous offrir quelques heures de délicieuse addiction. Le narrateur, Victor, jeune homme qui vient de vivre une séparation douloureuse avec sa compagne – la très belle et brillante Rachel – fait son nouveau foyer dans un troquet médiocre où il rencontre des gens qu’il ne connaît pas. A l’exception de cet étrange Fitzpatrick, qui se présente comme un ancien camarade de classe, mais dont Victor n’a gardé aucun souvenir. Ou presque.

Et Victor va dérouler – au compte-gouttes – ses souvenirs intimes. Ceux de son enfance auprès de ses parents, au collège, sa vie avec Rachel.

Dans un style frôlant l’épure tant le parti pris de sobriété est flagrant, Roddy Doyle nous emmène sur les pas de Victor qui s’installe dans son petit (et laid) appartement de célibataire désormais. Le contact avec la vie d’homme seul est douloureux, un peu halluciné, comme si Victor se regardait vivre dans un film noir.