Le temps de ce roman s’écoule au rythme de l’eau du Pô, qui offre une crue d’une importance exceptionnelle à ses riverains. Lent, mais inexorable, il quitte ses limites pour aller lécher les champs, les forêts, les maisons, plongeant tout, eau, terre et air, dans un univers détrempé, qui s’insinue dans les âmes des personnages mais aussi dans celles des lecteurs.
Valerio Varesi nous offre une histoire sombre, dans laquelle les rudes personnages, façonnés par le Pô et par l’Histoire, encore vivante dans les mémoires, de l’Italie fasciste, font entendre les drames, les haines et les passions qui les hantent. Des personnages romanesques forts, ciselés par l’art narratif de Varesi, mis en relief par un choix délibéré de mise en ombre du héros principal, le commissaire Soneri, bougon, sensible, plutôt lent et maladroit dans ses hypothèses et intuitions, mais obstiné. Le cadre humide, le personnage tranquille de l’enquêteur, ne peuvent manquer d’évoquer pour le lecteur français Le Chien jaune de Georges Simenon et le commissaire Maigret. On est certes loin de Concarneau, mais les hommes de mer ressemblent bien aux mariniers du Pô et les brumes se mêlent, de la Bretagne à la vallée septentrionale du grand fleuve italien.