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La Une Livres

Autopsie d’un père, Pascale Kramer

Ecrit par Theo Ananissoh , le Samedi, 06 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Flammarion

Autopsie d’un père, janvier 2016, 173 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pascale Kramer Edition: Flammarion

 

Gabriel, journaliste, s’est suicidé en avalant « neuf morceaux assez gros d’un verre à moutarde ». Clara, sa seconde épouse, en informe Ania, fille unique de Gabriel. Ania a coupé les ponts avec son père depuis plusieurs années. Gabriel, jusqu’à un temps récent, passait pour un intellectuel de gauche. Dans le village de V. où il a une maison de campagne, un immigré comorien a été tabassé à mort sans raison par deux jeunes du coin. Gabriel, qui ne supporte pas ou plus « ce brassage », a pris publiquement la défense des deux meurtriers, scandalisant ainsi tout le monde ou presque. Son émission de radio lui est retirée. Est-ce cela qui l’a poussé au suicide ? La mère d’Ania, il convient de le noter, est d’origine iranienne. Et Ania elle-même a épousé puis divorcé d’un Serbe dont elle a un garçon sourd prénommé Théo.

« Gabriel en voulait à sa génération et à lui-même d’avoir laissé ce monde-là s’imposer, par négligence ou idéalisme. Ania, elle, avait cherché refuge dans ce brassage. Elle y consolait ses insuffisances. Elle avait même un temps fréquenté les mosquées et les hammams… »

Cassada, James Salter

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 06 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Points

Cassada, août 2015, trad. de l’anglais (USA) Jean-François Ménard, 272 pages, 8,5 € . Ecrivain(s): James Salter Edition: Points

 

Roman à l’étrange destinée que celui-ci, à la fois deuxième et sixième de James Salter (1925-2015) : publié en 1961 sous le titre The Arm of Flesh, il a été retravaillé par son auteur pour republication en 2000 sous le titre Cassada, ainsi que l’explique Eric Neuhoff dans la préface (très mal écrite, d’un style à l’indigence affligeante surtout si l’on considère qu’elle est écrite pour un roman de James Salter…) à cette nouvelle édition de poche. Pour savoir à quel point le roman a été remanié, de The Arm of Flesh à Cassada, il suffirait de dépenser environ cent dollars et se donner la peine de lire le premier ; oui, il suffirait, et ça ôterait peut-être certains doutes, ça permettrait de mieux comprendre quelle part occupent respectivement le jeune James Salter et son aîné de presque quarante ans dans le second. Ce pourrait être l’objet d’une étude de type universitaire, intéressante aux yeux de qui préfère disséquer la littérature plutôt qu’en profiter. De toute façon, ainsi que l’écrit Salter dans un bref avant-propos, « Cette nouvelle version prétend ainsi devenir le livre que l’autre aurait pu être », étant admis que l’auteur lui-même décrètre que The Arm of Flesh « présentait de graves défauts ».

La carte perdue de John Selden, Timothy Brook

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 05 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Canada anglophone, Histoire, Payot

La carte perdue de John Selden, Sur la route des épices en mer de Chine, mars 2015, trad. anglais (Canada) Odile Demange, 293 pages, 21 € . Ecrivain(s): Timothy Brook Edition: Payot

 

Sur la trace de la carte perdue

« Le livre que vous vous apprêtez à lire s’intéresse à une autre carte, la carte de Selden, ainsi nommée parce qu’un certain John Selden, juriste anglais, l’a léguée à la Bodleian Library d’Oxford en 1654. Cette carte chinoise, la plus importante des sept derniers siècles, représente la partie du monde que connaissent les Chinois de ce temps, c’est-à-dire la superficie qui s’étend de l’océan Indien à l’ouest aux îles aux Epices à l’est, et de Java au sud au Japon au nord ».

Dès la préface, le ton est donné. Il ne s’agit pas d’un roman d’aventure ou d’investigation, mais d’un ouvrage atypique dont le héros principal est une vieille carte longtemps reléguée dans les tiroirs obscurs des bibliothèques. De type essai mais adoptant une trame romanesque, La Carte perdue de John Selden happe l’imagination et la curiosité du lecteur. En effet, l’auteur, en fin chercheur, nous conte les mésaventures de la carte. Mais de quelle carte s’agit-il ? Timothy Brook nous livre l’histoire secrète d’une carte de Chine datant de 1608 et dont le détenteur est un étrange personnage, le sir John Selden.

Ecrits sur les langues, Issa Asgarally

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 05 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Ecrits sur les langues, éd. Super Printing Co. Ltd, Maurice, novembre 2015, préface de Louis-Jean Calvet . Ecrivain(s): Issa Asgarally

La situation linguistique à Maurice n’est pas un cas unique par sa complexité. Il est bien d’autres états au monde au sein desquels coexistent, s’imbriquent, se mêlent un nombre plus ou moins grand de langues qui s’influencent les unes les autres, qui interfèrent, qui se confrontent les unes aux autres, qui se trouvent, de fait, au moment de l’étude, pour des raisons diverses, placées sous statut hiérarchisé les unes par rapport aux autres.

Ce qui fait pourtant de Maurice un cas particulièrement intéressant, c’est l’exiguïté du territoire (1800 km2) et le total relativement peu important de la population globale du pays (1,3 million d’habitants) concernés par un écheveau apparemment compliqué de langues pratiquées.

Issa Asgarally, docteur en linguistique, professeur associé à l’Institut de l’Education à Maurice, est l’auteur de plusieurs publications, étalées dans le temps, sur ce particularisme mauricien. L’ouvrage Ecrits sur les langues offre au lecteur une compilation bienvenue de ces articles, l’ensemble constituant un essai documenté, riche d’informations permettant d’appréhender comment parlent, écrivent, lisent les Mauriciens d’aujourd’hui, et de comprendre les raisons historiques de cette situation d’un pays qui n’a pas « officiellement de langue officielle »…

Œuvres complètes, Louis-René des Forêts

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 05 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Gallimard, Anthologie

Œuvres complètes, Louis-René des Forêts, Gallimard, coll. Quarto, juin 2015, présentation de Dominique Rabaté, 1344 pages, 28 € . Ecrivain(s): Louis-René des Forêts Edition: Gallimard

 

Le style est-il façon qu’a un écrivain d’exhausser le sens, en permettant à ce dernier d’arriver, par ce biais, par ce tour de force, à maturation, en lui permettant d’être et senti et cueilli et goûté, et goûté et cueilli et senti et ressenti ? Le style est-il cette force par quoi un propos d’intelligibilité devient nécessité ? Nécessité rudoyant les convenances, les topoï, tant il est vrai que tout style piétine (mais avec la précision que vit un danseur en dansant), piétine et saccage, doctement saccage ce qui devrait être, ce qui doit être. Les horizons d’attente, les dogmes, les schèmes…

Le style, c’est cette sauvagerie-là, superbe dans sa tenue, maintenue qu’elle est loin des broussailles des heurts propres aux affects ? Oui, répond Louis-René des Forêts, en chacun de ses livres. Et il ajoute : le style est ce par quoi l’homme est homme, en se hissant à hauteur de son humanité, qui est précision extrême du souffle autant que rythmique savante propre au regard, qui est tendresse exigeante du ressenti autant que violence virtuose du souvenir. Le style est cette humanité atteinte par quoi l’homme est, devient.