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Sonny Liston était mon ami (Sonny Liston Was a Friend of Mine), Thom Jones (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Samedi, 28 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Nouvelles, Albin Michel

Sonny Liston était mon ami (nouvelles). Terres d’Amérique, Albin Michel. 386 p. 24 € . Ecrivain(s): Thom Jones Edition: Albin Michel


Douze. Douze nouvelles. Comme les douze rounds d’un match de boxe. Et vous ne sortirez pas du ring de la lecture de ce livre en meilleur état qu’un pugiliste ! En fait, le gong vous aura sauvé douze fois du KO absolu !

Thom Jones vient s’inscrire, à cette lecture choc, dans votre paysage littéraire, comme un nouvelliste majeur, dans la grande tradition américaine, celle des London, des Carver. Il renforce encore notre émerveillement devant cette fabuleuse richesse que les USA possèdent dans un genre pourtant si exigeant, si difficile.

Le titre du livre en fait est celui de la première nouvelle. La seule réellement boxistique. Celle où Sonny Liston – flesh and bones – fait une apparition à la fois fantomatique et merveilleuse. Celle où le lecteur est saisi par le style décapant de Jones, fait d’humour de la rue, de grossièreté des salles d’entrainement, et de tendresse vibrante envers les cabossés de la vie.

Vie animale (With the Animals), Justin Torres (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 26 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Roman, L'Olivier (Seuil)

Vie animale (We the animals). Trad de l’anglais (USA) par Laetitia Devaux. janvier 2012. 142 p. 18 € . Ecrivain(s): Justin Torres Edition: L'Olivier (Seuil)

La lecture de ce livre est un véritable basculement dans un univers littéraire « autre », une authentique rupture avec le paysage éditorial ambiant. Tant en ce qui concerne l’écriture, syncopée, haletante, stylo au poing comme on dit « caméra au poing » pour traquer au plus près l’étrange spectacle des êtres dans l’incroyable hypothèse qu’est une famille nucléaire, que dans le portrait de personnages plus qu’improbables et pourtant d’une familiarité absolue !

La famille du narrateur. Paps, Ma et les trois frères (en le comptant, il est le plus jeune). Tous déjantés ? Oui, en apparence, gueulards, brutaux, un peu (!) cruels, rigolards, imprévisibles.

« Quand on se battait, on se battait avec des bottes et des outils, des tenailles qui pincent, on attrapait tout ce qui nous tombait sous la main et on le jetait ; on voulait plus de vaisselle cassée, plus de verre brisé. On voulait plus de fracas. »

Le fracas est le fil rouge de ce roman familial pas comme les autres. Le bruit et la fureur. Et la fragilité des êtres aussi, et surtout. Parce que, dans la dérive de cette famille pauvre et marginale, il surnage quand même de l’amour. Un amour étrange et dévastateur qui laisse peu de place à l’épanouissement des trois frères.

Potemkine ou le troisième coeur, Iouri Bouïda

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 25 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Russie, Roman, Gallimard

Potemkine ou le troisième cœur. Traduit du russe par Sophie Benech, janvier 2012, 162 p. 17,50 € . Ecrivain(s): Iouri Bouïda Edition: Gallimard

Quand un film change une vie.

Paris, 1926. En prenant son ticket de cinéma pour aller voir l’une des toutes premières séances du Cuirassé Potemkine, de Sergueï Eisenstein, Fiodor Ivanovitch Zavalichine, dit Théo, n’imaginait pas que « soixante quinze minutes après le début de la séance, sa vie allait connaître un changement irréversible. »

En tant que militaire, il avait participé à la répression de 1905 et « c’est seulement alors, en découvrant sur l’écran sur qui il avait tiré bien des années auparavant, que cet homme dit avoir compris l’horreur du crime auquel il avait participé sans s’en rendre compte ».

Il se rend à la police en se déclarant coupable d’avoir commis un crime épouvantable.

« Un hasard m’a ouvert les yeux et j’ai compris que j’étais un criminel. J’ai commis un crime, il y a vingt et un ans, et je viens seulement de l’apprendre… A l’époque, je croyais juste exécuter un ordre. Je croyais tirer sur des insurgés, et voilà que maintenant, j’ai découvert que ce n’étaient pas des insurgés, mais des femmes et des enfants. »

L'homme à la carrure d'ours, Franck Pavloff

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 24 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Albin Michel

L'homme à la carrure d'ours. Janvier 2012. 208 p. 15 € . Ecrivain(s): Franck Pavloff Edition: Albin Michel

 

Le verre à moitié plein ou à moitié vide ? S’agissant, ici, d’un livre, celui-ci est-il seulement à moitié réussi ? Ou à moitié raté ? C’est en tout cas un sentiment mitigé qui ressort de la lecture du dernier livre de Franck Pavloff, L’homme à la carrure d’ours.

Ce qui séduit, verre à moitié plein, c’est le cadre, plus qu’insolite, dans lequel se déroule l’action. On se trouve aux confins de la Russie arctique, dans un endroit appelé « la Zone » où un froid d’acier, souvent en dessous de -30°, fige toute vie.

Quelques années plus tôt, un ordre d’évacuation générale d’urgence a été donné par les autorités, et l’ancien site minier a été déclaré territoire à hauts risques. Des fûts de carburant nucléaires ont été enfouis sous la terre à la hâte, et des mineurs enterrés vivants. Un décret a assigné à résidence à vie les reclus de la Zone. Personne ne peut s’échapper. Et personne ne peut plus non plus y entrer.


« Nul n’a jamais franchi les frontières de la Zone ».

Je vais beaucoup mieux que mes copains morts, Viviane Chocas

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 24 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Héloïse D'Ormesson

Je vais beaucoup mieux que mes copains morts, 12 janvier 2012, 175 P. 17 € . Ecrivain(s): Viviane Chocas Edition: Héloïse D'Ormesson

Blanche est une jeune femme un peu paumée, un peu idéaliste, qui se cherche tout en cherchant le job qui lui permettra d’atteindre le but qu’elle s’est inconsciemment assigné. Ainsi se retrouve-t-elle animatrice d’un atelier d’écriture dans une maison de retraite. Elle avance à l’aveuglette, apprenant à s’adresser à ses vieux au fur et à mesure des séances. Sa première déception est le nombre de participants qu’elle espérait important (un atelier d’écriture ne peut qu’intéresser les gens, fussent-ils âgés) mais qui se réduit à neuf personnes.

Elle tâtonne, Blanche, tant dans ses attitudes que dans ses questions, et ses hésitations la renvoient à elle-même. « T’es obligée d’articuler comme une débile » se lance-t-elle, preuve qu’elle avance en terre inconnue, d’autant que les questions qu’elle pose à ses vieux créent chez eux un malaise dont elle ne sait pas bien quoi faire, des émotions qu’elle a du mal à canaliser. Les souvenirs, parfois anciens et douloureux refont surface, et Blanche veut utiliser ce matériau pour atteindre un objectif : « Les redresser, leur rendre la parole. Mais c’est sous ses pieds aujourd’hui que s’ouvre la trappe du verbe. Sous ses pauvres pieds. Pour enfin témoigner ».