Fictions (anthologie) 12, par Matthieu Gosztola

Le jardin et ses figurants habituels
(Poussières qui se meuvent
Dans les allées du jour)
*
Toi
Et ton corps habillé de pluie
La pulpe de mon lendemain
*
Espace sans clôture
Enchevêtrement d’herbes sauvages
J’y ai vu
Une antilope ouverte
*
J’abaissais ton fourreau
Et je surpris la mer
Se méprendre
J’ai cru que la mer était le ciel
Aussi me suis-je
Doucement enfui
Et égaré
La mer est le ciel
*
Mon père
Suant sa vie
J’invite la mort à se désaltérer
Elle accepte
M’offre en retour
Une mèche
De ses cheveux rouges
*
Elle dit :
« Supporter le pavoisement
Des libellules anciennes
L’acidité de mon sexe
Adoucit le tableau de ma mort »
*
Les maisons
Au bord de l’eau
: Penser à elles
(Un goéland bleu
Traversera nos corps
À la première lueur du jour)
*
Le ciel est fendu
De là-haut
Ils déversent leur lait
D’une saveur piquante
Sur la peau de nos crânes
*
Je suis
Ce que les signes
Cachent de la page
Là est la lumière
De l’escargot
Itinérante
*
Une fillette à poitrine naissante
Galope vers la bruine
(Pour rejoindre sa mère)
Elle croit apercevoir un andalou en nage
Près du pommier épineux
Elle s’approche du cheval
Mais il fait déjà nuit
Eraflée
Elle creuse dans le sable
Et enterre son ancien corps
*
Inventons
Voulez-vous
Une raison de vivre
À la poussière
Elle portait des lunettes
Qu’elle enlevait
Et posait sur le lichen
Pour m’embrasser
*
Mes mains
Sur tes paupières
Ferment le jour
*
Sur une berçante
Être en coquetterie avec la lune
Et percevoir le murmure
Des feuilles
D’arbres indigènes
(Ces feuilles aiment partager
La jubilation
Que procure
Une existence muette
Et accidentelle)
*
Les voitures cherchent tes yeux
S’arrêtent au feu rouge
De mon souffle
*
Elle dit :
« Souffler dans le vent hivernal
Avec un vulgaire sifflet
Encore
Un peu
Jusqu’à vomir les demi-mots
Et désirs refoulés
Pour agonir
Et s’entendre
Murmurer
Je t’aime
Nos sentiments sont immortels
Mais ils périssent tous
Alors
Solfier ses larmes
Comme une mélodie
Défendue
Avoir la force »
*
Ils boivent la salive
Et l’écume de leurs corps
Ivresse récurrente
Des amants solitaires
Trop heureux
Pour ne pas se quitter
*
Nous sommes le 25 avril
Ce matin
L’humanité a noté dans son journal
Mort supprimée
Qu’allons-nous faire ?
Matthieu Gosztola
Ces poèmes ont été insérés, sous une forme très différente, dans Sur la musicalité du vide (2 volumes parus en 2001 et 2003). Les ouvrages sont toujours disponibles auprès des libraires, ou en passant commande directement chez l’éditeur. Consulter son catalogue ici. Le suivre là.
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